Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
Vom Netzwerk:
rapports entre Guillaume IX et l’Église avait été atteint lorsqu’il avait affiché sa liaison avec la vicomtesse de Châtellerault qui répondait au prénom magique de Dangerosa et dont le tempérament devait être volcanique pour susciter une telle passion chez le Troubadour. Car pour elle, Guillaume IX répudia sa femme, Philippa de Toulouse – grand-mère d’Aliénor –, et installa officiellement sa maîtresse dans le donjon nouvellement construit du château de Poitiers ; la tour s’appelait la Tour Maubergeon, et Dangerosa devint pour les Poitevins : la Maubergeonne. La légende raconte qu’il alla jusqu’à faire peindre sa maîtresse nue à l’intérieur de son bouclier sous prétexte « qu’elle le portait dans le lit » et qu’il pouvait « la porter sur le champ de bataille ». Plus grave sans doute, il maria son fils, le futur Guillaume X, père d’Aliénor, à la propre fille de la Maubergeonne, Aénor de Châtellerault. Il s’ensuivit une brouille profonde et durable entre le père et le fils. L’Église ne pouvait pas être en reste devant les frasques de Guillaume IX : répudiation, « luxure » officielle, scandale du mariage… on trouvait que le duc poussait le bouchon un peu loin. Les exhortations et les menaces de tous les feux de l’enfer n’y faisant rien, l’Église eut recours à une de ses armes préférées : l’excommunication. La séance donna lieu à une des fameuses reparties dont le duc était coutumier. Cela se passait dans la cathédrale Saint-Pierre à Poitiers, l’évêque avait commencé à prononcer la formule d’excommunication quand le duc entra dans une rage folle et se précipita sur le prélat l’épée à la main en criant : « Si tu ne m’absous pas, je te tue ! » L’évêque avait fait semblant d’obéir mais tranquillement, à voix basse, terminé la formule d’excommunication, puis il avait tendu sa poitrine au duc en disant : « Frappe, maintenant, frappe ! » Guillaume en était resté interloqué, puis avait rengainé son épée et s’en était tiré avec une pirouette restée célèbre : « Tu serais trop content ! Ne compte pas sur moi pour t’envoyer au paradis ! »
    Cet homme à la personnalité toute pleine d’excès était aussi un très grand poète, le premier des troubadours. Onze de ses œuvres nous sont parvenues, où s’exprime pour la première fois l’idéal courtois qui allait influencer toute notre poésie médiévale. Guillaume le Troubadour pouvait se vanter avec « délicatesse » de prouesses accomplies avec deux jeunes femmes « honorées en huit nuits cent quatre-vingt-huit fois, à s’en déchirer courroies et harnais » et dans le même temps se consumer d’amour pour une seule femme, la Dame d’amour, pure et inaccessible : pour elle je frissonne et je tremble car je l’aime d’un si grand amour ; et je crois que jamais femme semblable naquit de la grande lignée de sire Adam. Guillaume IX finira ses jours pieusement réconcilié comme il se doit avec l’Église : Je fus l’ami de prouesse et de joie. Maintenant je les abandonne et m’en vais vers Celui en qui tout pécheur met sa confiance. […] Je quitte ici joie et liesse. Et vair et gris et zibeline… Le duc qui tout au long de sa vie ne s’était guère soucié de faire des dons aux œuvres religieuses offre, quelques mois avant sa mort, une de ses terres, l’Orbestier, proche de ses terrains de chasse favoris, à l’ordre de Fontevraud pour y installer un prieuré. C’est dans cet ordre, fondé en 1101, que sa femme Philippa et sa fille Audéarde s’étaient retirées, probablement après sa mort.
    Fontevraud tiendra une place unique et très importante dans la vie d’Henri et d’Aliénor. C’est là qu’ils reposeront tous les deux après leur mort et c’est là qu’Aliénor fera de nombreux séjours, séjours qui seront pour la duchesse autant de respirations, de périodes de réflexion, de retrouvailles avec soi-même marquant le rythme d’une longue vie, riche et trépidante. Fontevraud me semble comme une sorte de matérialisation du lien qui unit Aliénor à ses ancêtres et surtout à ce grand-père dont le sang fougueux coule dans ses veines. Si l’on se souvient que la mère d’Aliénor était la propre fille de Dangerosa, il y a, dans les gènes de la jeune femme, autant du Troubadour que de la Maubergeonne ; la fadeur et la mièvrerie lui étaient impossibles ! De son grand-père

Weitere Kostenlose Bücher