Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
son ordre scandaient : « Seigneur, reçois le méchant Foulques, comte d’Anjou, qui t’a trahi, renié. Regarde ô Christ son âme repentie. » On imagine la stupeur de la foule musulmane assistant à la scène ! Foulques Nerra meurt en 1040 après avoir agrandi ses terres du Saumurais, d’une partie de la Touraine et de la ville de Nantes. Son fils, Geoffroy Martel, continua la politique d’annexions sanguinaires de son père en s’emparant du Vendômois, de la Saintonge et des villes de Tours, Chinon et Le Mans.
Foulques Nerra est l’une des deux figures marquantes de la lignée angevine. L’autre est le grand-père d’Henri, Foulques V, dit « Foulques le Jeune », dont la personnalité est totalement à l’opposé de celle de son ancêtre. La quarantaine à peine atteinte, alors qu’il possédait l’un des plus riches comtés du royaume et venait de marier son fils Geoffroy avec Mathilde, qui apportait aux Angevins ses prétentions sur la Normandie et l’Angleterre, il avait abandonné toutes ses possessions pour se consacrer à la défense de la Terre sainte. Il était devenu roi de Jérusalem après avoir épousé la princesse Mélisende, fille de Baudouin II de Jérusalem. Respecté pour sa sagesse, craint pour sa bravoure et admiré pour ses exploits guerriers, il était un parfait exemple de roi-chevalier. Il était mort brusquement d’un accident de chasse en 1143 et ce n’est qu’un an plus tard que les Turcs avaient osé s’attaquer à Édesse, l’un des États francs de Terre sainte.
La violence de Foulques Nerra et la bravoure de Foulques le Jeune coulaient ensemble dans les veines d’Henri, alimentant une intelligence ambitieuse, une grande culture et un vrai sens du pouvoir. Cet homme était fait pour régner. Il ressemblait à s’y méprendre aux despotes éclairés du XVIIIe siècle et la personnalité historique dont il se rapproche le plus pourrait être Frédéric II de Prusse. Aliénor et lui allaient former un couple idéal, semblables et complémentaires, partageant les mêmes passions et les mêmes ambitions et disposant d’une richesse énorme pour les réaliser. Rarement l’union d’un homme et d’une femme offrira dans l’histoire un tel potentiel.
4 Lune de miel
Pour Aliénor et Henri s’ouvre la plus merveilleuse et la plus extraordinaire période de leur vie. Une période qui durera dix-huit ans et pendant laquelle ils construiront ensemble une famille et un empire.
Cette période commence par un voyage. Quelques jours après leur mariage, on les retrouve chevauchant en Aquitaine. Aliénor fait découvrir son domaine à son mari et Henri en profite pour évaluer la richesse des possessions de sa femme. Son objectif – son obsession presque ! – est la conquête de l’Angleterre. Il a besoin d’argent et les richesses de l’Aquitaine lui seront d’un apport indispensable.
Elles sont considérables, ces richesses. Aliénor est probablement le plus riche seigneur de France. Son domaine réunit le Poitou, l’Aquitaine et la Gascogne, soit l’équivalent de dix-neuf de nos départements actuels ; il s’étend de la Loire aux Pyrénées. Il faut toutefois distinguer les possessions propres de la duchesse et les domaines appartenant à un seigneur qui est son vassal. L’essentiel du patrimoine propre des ducs d’Aquitaine se trouve en Poitou, le berceau de leur famille. À titre d’exemple, en Gascogne, qui est tardivement tombée dans « l’escarcelle » de la famille d’Aliénor en 1058, la jeune femme ne possède que la ville de Bordeaux et son arrière-pays, c’est-à-dire peu de chose en termes de territoire, mais la ville en elle-même représente des ressources financières énormes grâce à son activité portuaire établie depuis l’Antiquité. L’ouverture sur l’Atlantique est une grande source de richesses pour Aliénor. Outre Bordeaux, elle tire bénéfice de deux autres ports importants : Bayonne, spécialisé dans la pêche à la baleine, et La Rochelle, créé en 1130 par Guillaume le Troubadour. Ville moderne, La Rochelle bénéficie des dernières évolutions en matière d’architecture portuaire, tout spécialement de quais parfaitement adaptés à un nouveau type de navires, les koggens, qui au cours de la seconde moitié du XIIe siècle domineront le commerce maritime de la Manche aux côtes de la mer du Nord et de la Baltique. Grâce à cet atout, le port connaîtra une prospérité grandissante en
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