Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
de Louis VI ; Louis VII continua. La survie de la dynastie capétienne est passée par là.
Louis va progressivement s’installer dans un rôle qui lui convient admirablement, celui d’arbitre, de rex pacificus, comme le remarque Yves Sassier {19} , garant de la paix et protecteur de l’Église, et resserrer les liens avec la famille rivale des Angevins, les comtes de Blois-Champagne. Dans cette optique, les deux filles qu’il a eues d’Aliénor épouseront respectivement un Blois et un Champagne. Dès l’année 1154, Louis VII se prépare à un affrontement inéluctable avec les Plantagenêt. Il sait que son infériorité financière et militaire l’empêchera, du moins dans un avenir proche, de s’opposer frontalement aux futurs souverains anglais. C’est pourquoi on le voit nouer des alliances et la première d’entre elles, la plus significative, avec le comte de Toulouse, Raimond V de Saint-Gilles. Alliance qui, des deux côtés, est motivée par les craintes que les ambitions des Plantagenêt inspirent. Pour le Toulousain, il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’Henri réveillera, à un moment ou un autre, les prétentions d’Aliénor sur le comté de Toulouse et ce avec d’importants moyens militaires. Il ne pourra pas y faire face seul, il lui faut des alliés. Pour le Capétien, la donne est à peu près semblable – il doit trouver des alliés pour l’aider à s’opposer à Henri –, mais l’alliance toulousaine est en plus un très bon coup diplomatique et féodal. Depuis la fin du Xe siècle, les comtes de Toulouse se considéraient comme indépendants du pouvoir royal et n’avaient fait aucun acte d’allégeance vis-à-vis de la couronne ; le roi faisait donc revenir ce puissant comté du sud de la France dans le giron capétien. L’alliance prit la forme d’un mariage entre la sœur de Louis VII, Constance, veuve depuis quelques mois d’Eustache de Boulogne dont la mort avait ouvert le chemin de la couronne anglaise aux Plantagenêt, et le comte Raimond V. Pour consolider cette alliance, Louis VII, vers la fin de l’année 1153 ou au début de la suivante, demande en mariage Constance, la fille du roi de Castille Alphonse, lui-même allié du comte de Toulouse. On se souvient qu’une des préoccupations essentielles du roi de France est d’avoir un héritier. Il était évident qu’il ne resterait pas longtemps célibataire après la séparation d’avec Aliénor. Le mariage fut célébré à Orléans dans la première moitié de l’année 1154. Lorsque, à la fin de l’année, Louis VII quitte Paris pour accomplir le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle – il quitte l’Île-de-France pour la première fois depuis son retour de croisade –, c’est avec le sentiment d’une année bien remplie au cours de laquelle il aura préparé l’avenir par son mariage et en créant une sorte d’« axe » Paris-Toulouse-la Castille, qui pourra lui être utile, le cas échéant, pour contrer les ambitions des Plantagenêt. Pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle, sur ce lieu saint qui attire chaque année un nombre considérable de pèlerins, Louis VII doit traverser les terres d’Aliénor. Les usages veulent qu’il lui demande son autorisation. Il s’en garde et la duchesse ne réagit pas. Elle comprend que ce n’est pas là une provocation, mais plutôt le signe que Louis a encore besoin de maintenir une certaine distance avec son ex-femme. C’est l’homme qui agit là, l’amoureux bafoué, non le souverain…
Le pèlerinage est pour Louis l’occasion de faire le point et de tourner la page Aliénor. Une autre page s’ouvre pour le Capétien, celle d’Henri, son vassal, qui va devenir son égal en recevant la couronne d’Angleterre.
7 Une couronne
Aliénor et Henri n’attendront pas une année la mort d’Étienne de Blois. Dans les premiers jours de novembre 1154, la nouvelle leur parvient du décès du vieil homme survenu à Douvres le 25 octobre précédent. Selon son vœu, la dépouille du roi va rejoindre celles de sa femme et de son fils dans l’abbaye de Faversham, appartenant à l’ordre de Cluny, qui l’a fondée dans le Kent. Henri se trouve à Thorigny-sur-Vire lorsqu’il reçoit le message lui annonçant la mort d’Étienne. Il assiège dans la ville le fils de Robert de Gloucester. Les historiens ignorent la raison de cette action mais nous supposons qu’elle devait être sérieuse car le comte de Gloucester avait
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