Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
été un des plus solides partisans des Angevins contre Étienne de Blois ; si proche de monter sur le trône anglais, le futur roi n’avait pas intérêt à se mettre à dos une puissante famille de l’île. Henri abandonne l’opération militaire et retourne précipitamment à Rouen. Immédiatement le duc et la duchesse décident de partir pour l’Angleterre. Ils réunissent rapidement une escorte dans laquelle se trouvent Geoffroy, le frère d’Henri, ainsi que les principaux évêques et barons normands. Quelques jours plus tard, Henri, Aliénor et le petit Guillaume quittent Rouen, laissant leurs possessions continentales sous l’administration de Mathilde qui séjourne près de la capitale normande, à l’abbaye Notre-Dame-des-Prés, où elle s’est retirée.
Ils se rendent à Barfleur pour embarquer quand une énorme tempête se lève sur la Manche. Ils devront patienter un mois. La mer ne « décolère pas », Henri non plus. La nature impatiente du jeune homme est mise à rude épreuve. Il est furieux de devoir ainsi attendre. Les éléments sont trop déchaînés, pas un marin ne veut prendre le risque d’emmener le roi et sa famille ; le souvenir du naufrage de la Blanche-Nef est sans doute encore dans les esprits. D’une nature plus calme et plus posée, Aliénor se résigne d’autant plus facilement quelle est enceinte de bientôt sept mois et qu’une traversée dans des conditions aussi dures est dangereuse pour elle et l’enfant quelle porte.
Le 6 décembre 1154 est jour de Saint-Nicolas. Le célèbre évêque de Myre est, entre autres, patron des mariniers et des voyageurs. Est-ce cela qui poussa Henri à forcer le destin ? Passant outre les conseils de patience renouvelés d’Aliénor et de son entourage, il prend la décision d’appareiller coûte que coûte le lendemain matin. La traversée de la Manche durera deux jours dans des conditions épouvantables. La mer n’épargne rien aux navires de la suite royale : flots déchaînés, pluie battante, brouillard à couper au couteau… Malgré cela, tous les bateaux arrivent à bon port, disséminés un peu partout sur la côte, mais entiers, avec des avaries minimes et surtout sans pertes humaines. L’audace d’Henri a payé. La nouvelle de ce débarquement « à la hussarde » se répand aussitôt dans tout le pays et sera immédiatement portée au crédit du jeune roi. Voilà un règne qui commençait de manière fracassante, ce qui n’était pas pour déplaire aux Saxons. On ne manqua pas de rappeler que le sang du Conquérant coulait dans les veines du jeune homme.
Le navire sur lequel Aliénor et Henri ont pris place touche la côte à Lymington, aux environs de Southampton. Le couple royal ne s’attarde pas et se dirige au plus vite vers Winchester située à une vingtaine de kilomètres plus au nord. C’est là que le roi a donné ordre à ses hommes de venir le rejoindre. C’est surtout dans cette ville qu’est conservé le trésor royal dont Henri veut s’emparer au plus vite.
La nouvelle de l’arrivée du roi s’est répandue comme une traînée de poudre dans la population. Les gens se massent sur le passage du couple royal, faisant fuser des « Vive le roi ! » enthousiastes. Le chroniqueur Guillaume de Newburgh écrit que le roi « prit son royaume héréditaire aux acclamations de tous ». Tandis que l’entourage royal se regroupe à Winchester, on voit arriver des représentants de toute la noblesse anglaise venus prêter serment d’allégeance au nouveau roi. Plus de contestation, pour tous il est le roi d’Angleterre. Sans aucun doute les anciens partisans d’Étienne devaient s’inquiéter du sort que le nouveau roi leur réserverait. Ils seront assez vite rassurés : Henri, en souverain pragmatique – et on peut deviner dans cette attitude très politique les conseils avisés de sa femme –, ne se livrera à aucune représaille. Tout le monde a intérêt à la paix civile : les nouveaux souverains, dont la tâche essentielle allait être de redresser le pays, et les barons, dont beaucoup possèdent des terres dans le duché de Normandie, solidement tenu par les Plantagenêt, et dont ils espèrent récupérer la jouissance.
Le 19 décembre 1154, onze jours à peine après qu’Henri et Aliénor ont débarqué sur l’île, Thibaud du Bec, archevêque de Canterbury, dépose sur leur tête les couronnes de roi et reine d’Angleterre. Henri Plantagenêt peut enfin savourer cet
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