Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
et le résultat s’obtiendra sans doute au prix d’une répression implacable. C’est la seule manière d’agir possible ; Henri et Aliénor en sont tout à fait conscients. Apparemment le travail est herculéen, pourtant ils vont réussir en à peine une année, sans verser de sang ou presque.
Un premier problème, celui des mercenaires flamands, se résout de lui-même. La réputation de fermeté et de détermination du nouveau roi joue son rôle. Les Flamands n’ont plus rien à faire en Angleterre. Leur métier est la guerre et le pays entre dans une période de paix. Ils savent qu’ils ne bénéficient d’aucun soutien dans la population et que, s’ils s’obstinent à rester, cela pourrait se terminer en massacre dont, pour une fois, ils risqueraient d’être les victimes. Aussi préfèrent-ils quitter le pays rapidement avec armes et bagages. Habilement, Henri propose à leur chef, Guillaume d’Ypres, un vieil homme aveugle, de conserver jusqu’à sa mort les revenus des domaines très importants que le roi Étienne lui avait concédés dans le comté de Kent. Ensuite, ces territoires reviendraient à la couronne. Le vieil homme préférera quitter l’Angleterre avec ses hommes et on raconte qu’en embarquant, il avait les larmes aux yeux.
Autre souci et celui-là des plus importants, faire rentrer à nouveau l’argent dans les caisses royales. Pour cela il fallait entièrement réorganiser, ou plus exactement rétablir, l’administration. Du temps du grand-père du Plantagenêt, Henri 1er, le royaume était un modèle d’organisation administrative hérité de Guillaume le Conquérant. Les Normands, administrateurs-nés, avaient appliqué à l’Angleterre le système de gestion des domaines qu’ils avaient installé en Normandie et qui avait fait leur fortune. Peu de temps avant sa mort en 1187, Guillaume le Conquérant avait commandé une grande enquête sur l’état de l’Angleterre qui est encore aujourd’hui l’exemple historique le plus connu illustrant le mode de gouvernement des Normands. Cette enquête est le fameux Domesday Book, établi en 1088, qui décrit les fiefs, les villages et les manoirs (seigneuries) anglais avec le nombre d’habitants – chevaliers et paysans –, les moyens d’exploitation, la répartition entre forêts et terres cultivables, etc. L’administration anglo-normande était beaucoup plus précise et efficace que celle des rois capétiens durant la même période ou celle des grandes principautés continentales, comme l’Aquitaine d’Aliénor. Après vingt ans de guerre civile et de pouvoir royal faible, il ne semblait plus rester grand-chose de la remarquable machine administrative normande. C’était compter sans l’imprégnation que le règne du Conquérant et de ses descendants avait eue sur la société anglaise. Les nouveaux souverains ont-ils senti qu’il suffisait d’une étincelle pour que la machine endormie se remette à fonctionner ? Peut-être. En tout cas la rapidité avec laquelle la société fut redressée semble l’indiquer.
Le nerf du système anglo-normand est le corps des sheriffs ; ils sont appelés ainsi en Angleterre et « vicomtes » en Normandie. Les sheriffs reçoivent à terme les seigneuries du roi, les forêts ou les fiefs sans seigneur. Ce sont eux qui représentent le roi dans les comtés. Nommés directement par le souverain, ils disposent de pouvoirs très étendus, tant administratifs que judiciaires et financiers. Ils sont garants de la paix sociale et pour cela détiennent à la fois les pouvoirs de police – ils arrêtent des criminels relevant de la justice royale, c’est-à-dire non ecclésiastique, avec l’aide de sergents et de quelques informateurs – et de justice – au cours de sessions ordinaires de la cour du comté, ils jugent les crimes et délits relevant de la justice royale comme le vol ou les coups et blessures. Leur autre fonction très importante est la collecte pour le trésor royal des taxes ordinaires – essentiellement sur le commerce et les transactions – et extraordinaires, par exemple lorsqu’il s’agit de financer une campagne militaire. Les sheriffs sont régulièrement inspectés et rendent compte de leur gestion. En cas de malversation ou de corruption, ils doivent payer une amende du double des sommes qu’ils ont illicitement récoltées.
Comme si l’Angleterre n’attendait qu’une impulsion pour se remettre en marche, le produit de l’impôt se met
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