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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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d’avoir des relais sûrs et efficaces. En Angleterre, Thomas Becket et Richard de Lucé seront ces relais par lesquels le roi va asseoir son pouvoir ; un troisième homme viendra bientôt les rejoindre : Robert de Leicester qui fera également fonction de justicier.
    Pour Henri, Aliénor devient également un de ces relais indispensables. À partir de cette année 1154, il n’est plus un comte-duc à l’égal de sa femme qui, par ailleurs, détient des richesses supérieures à celles de son époux. Il est maintenant le roi, le maître absolu. C’est du moins ainsi qu’il l’entend. Henri II est un autocrate, conscient de ce qu’il est et de ce qu’il représente. Dorénavant, Aliénor est « au service » d’une couronne qu’elle partage, certes plus que symboliquement, et d’un pouvoir dont seul le jeune homme détient la réalité. Ce changement dans leurs rapports se manifeste d’une manière assez curieuse ; jusque-là, les déplacements entre eux se font dans un seul sens : Henri rejoint Aliénor là où elle se trouve : à Poitiers, à Limoges, à Angers, à Rouen… Cette mécanique est inversée à compter de 1154 : c’est la reine qui ira désormais vers le roi. Gardons-nous malgré tout de voir là une attitude « machiste » de la part d’Henri. Ce serait poser sur leur relation un regard de notre temps. Aliénor a un rôle important et le conservera toute sa vie mais c’est une époque où la femme, si hautement née soit-elle, ne peut pas détenir les attributs du pouvoir. Il est malgré tout exceptionnel pour l’époque de voir Aliénor conserver une autonomie aussi importante. Par exemple, dans les comptes royaux, elle apparaît à plusieurs reprises pour donner elle-même des ordres de paiement : per breue reginae (par bref de la reine). Ses dépenses personnelles sont détaillées et donnent une indication sur ses goûts et la manière de vivre d’une souveraine. Elle reçoit également des terres sur le sol anglais, qu’elle administre seule et dont elle perçoit directement les revenus, ce qui lui confère une grande autonomie financière.
    Chaque fois que c’est nécessaire, la reine intervient dans la conduite des affaires du royaume mais « au nom du roi ». Henri II, dans la tâche colossale qu’il s’est fixée de redresser le pays, est obligé de parcourir l’Angleterre dans tous les sens accompagné de son chancelier. Dans l’administration courante, Aliénor le remplace. Le ton de ses ordonnances et de ses chartes est très ferme, péremptoire même, et nous montre à la fois l’aisance et la sûreté avec lesquelles elle exerce le pouvoir. Par exemple les moines de Reading se plaignent d’avoir été dépouillés de certaines terres. La reine envoie une lettre à un dénommé Jean Fitz Ralph, vicomte de Londres : « Les moines de Reading se sont plaints à moi de ce qu’ils ont été dépouillés injustement de certaines terres à Londres que leur avait données Richard Fitz B. quand il s’est fait moine. […] Je vous ordonne de rechercher sans délai s’il en est ainsi et, si la chose s’affirme vraie, de faire rendre sans retard ces terres aux moines de telle sorte qu’à l’avenir je n’entende plus de plaintes pour défaut de droit et de justice ; je ne veux pas souffrir qu’ils perdent injustement quoi que ce soit qui leur appartienne. Salut. » Une autre fois, c’est l’abbé d’Abington qui se plaint que ses vassaux n’accomplissent pas les services qu’ils lui doivent. Ces derniers reçoivent une lettre sans appel d’Aliénor : « Aux chevaliers et aux hommes qui tiennent des terres et tenures de l’abbaye d’Abington, salut. J’ordonne qu’en toute justice et sans délai vous rendiez à Vauquelin, abbé d’Abington, les services que vos ancêtres lui ont rendus au temps de nos ancêtres, du roi Henri, grand-père du sire roi ; et si vous ne le faites, la justice du roi et la mienne vous le feront faire. » Sur le document est précisé : « par acte du roi d’au-delà de la mer. »
    Ces lettres sont rédigées par le chancelier personnel de la reine, un certain Mathieu, très probablement un ancien précepteur d’Henri. Elles nous enseignent que le roi et la reine se complètent mais qu’une hiérarchie – somme toute logique pour l’époque – s’est installée entre eux. Aliénor est probablement très à l’aise dans cette situation qui s’inscrit dans le cadre de l’éducation qu’elle a

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