Amy, ma fille
et ses chansons étaient excellentes, ce qui donnait un résultat époustouflant. Comme le dit Dale, Mick Jagger et Keith Richards ne sont pas des guitaristes de génie, ce qu’ils ont, c’est la foi et la conviction. « Il faut tout donner, et avec le temps, on s’améliore. »
Il n’empêche que les concerts d’Amy présentaient leur lot de difficultés. Je me souviens d’un de ses concerts à Cambridge, où elle a chanté en première partie du pianiste Jamie Cullum. Amy et Jamie sont par la suite devenus amis, mais quand on est jeune et qu’on débute, faire une première partie peut s’avérer assez ingrat. Ce soir-là, le public était venu pour Jamie, pas pour Amy (que presque personne ne connaissait à Cambridge) et au départ, l’auditoire n’était pas très convaincu. Mais plus elle chantait, plus elle leur plaisait. Quand on fait une première partie, on doit savoir s’arrêter à temps et ce concert a prouvé qu’Amy ne savait pas. Ce n’était pas sa faute, elle manquait d’expérience. Peut-être que sa maison de disques aurait dû la briefer.
Elle a chanté quinze titres, deux fois plus que prévu. À la fin, les gens en avaient marre. Je les entendais râler : « Elle va rester encore longtemps ? », « À quelle heure commence Jamie Cullum ? » Même ceux qui l’avaient appréciée au début commençaient à s’impatienter. Ils avaient acheté des places pour Jamie Cullum et c’était lui qu’ils voulaient voir. Évidemment, comme on ne se refait pas, j’ai crié à tout le monde de se taire et j’ai failli me battre avec quelqu’un.
Au grand soulagement du public, Amy s’est arrêtée, mais au lieu de partir en coulisses, elle nous a directement rejoints dans le public. Nous avons assisté au concert de Jamie Cullum et nous avons tous passé un bon moment ; Amy a poussé des cris de joie, applaudi et sifflé tout le long. Elle était toujours très généreuse avec les autres artistes.
La multiplication des concerts de promo pour la sortie de Frank a poussé Amy à penser à l’avenir. Comme le bail de son appartement d’East Finchley touchait à sa fin, Janis et moi lui avons demandé ce qu’elle avait l’intention de faire. Elle avait envie d’acheter quelque chose plutôt que de continuer à être locataire, et j’étais d’accord. Un appartement représenterait un bon investissement, surtout si sa carrière tournait mal. Vous vous souvenez comment c’était, avant la crise ? On pouvait acheter un appart pour deux cent cinquante mille livres et le revendre le lendemain deux cent soixante-quinze. J’exagère un peu, mais le marché immobilier était en plein boom.
Amy adorait Camden Town, où nous avons bientôt trouvé un appartement qui lui plaisait, à Jeffrey’s Place. Il était petit et nécessitait quelques travaux, mais ça n’avait pas d’importance parce qu’il était à deux pas de tout ce qu’elle aimait. C’était là qu’elle avait envie de vivre et l’appartement était sympa. Il était situé dans un immeuble avec portail sécurisé, ce qui nous rassurait, Janis et moi : Amy y serait en sécurité. Il coûtait deux cent soixante mille livres. Nous avons donné cent mille et emprunté cent soixante mille, afin de ne pas trop puiser sur l’avance d’Amy. J’ai établi un budget avec elle. Toutes les factures et le crédit seraient payés par son capital, ce qui lui laissait deux cent cinquante livres d’ « argent de poche » par semaine. Elle en était contente car cela lui donnait la possibilité de s’acheter ce dont elle avait besoin, mais sans excès.
À cette époque-là, Amy savait se montrer raisonnable avec l’argent. Elle était consciente de disposer d’un montant tout à fait honnête pour vivre et ne doutait pas que nous agissions dans son intérêt. Elle n’ignorait pas non plus que si elle flambait son argent, elle allait se retrouver rapidement à sec. Même si elle était signataire du compte en banque de sa société, elle voulait mettre en place un système qui l’empêche de dépenser trop d’un coup : chaque chèque qu’elle établissait devait donc être signé par au moins deux signataires du compte, c’est-à-dire Amy, Janis, notre comptable ou moi. Cela mettrait un frein à sa générosité parfois démesurée.
Au printemps 2003, quand est arrivé le moment de rédiger les crédits de l’album Frank (afin de répartir les rôles de chacun sur chaque morceau), la générosité d’Amy
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