Apocalypse
que Marie Madeleine ait récupéré le crâne de l’apôtre maudit. Il s’est pendu et son corps a été enterré.
Cécile avait le regard tendu.
— Si l’on considère que, sur ce bas-relief, le livre est le testament philosophique de la future initiée, lors du passage dans le cabinet de réflexion maçonnique, elle est donc censée avoir écrit quelque chose. Quelqu’un a emporté la loupe ?
De Perenna fouilla sa poche, en sortit un carnet effrangé, une pipe d’écume et, pour finir, la loupe qu’il essuya minutieusement avant de la tendre à Cécile. La jeune femme la plaqua contre le bas-relief.
— Rien. Les pages du livre sont blanches comme neige.
— Gratte, lui intima Marcas alors que le marquis lui tendait un laguiole ouvert.
— Mais pourquoi ?
— Le bas-relief a été posé en 1887 et, depuis, plusieurs fois restauré. J’ai lu ça. Les successeurs de Saunière ont très bien pu passer un coup de peinture sans y regarder de plus près. Allez, gratte !
Par petits coups, Cécile fit sauter la couche de blanc. Peu à peu l’état d’origine apparut. Elle saisit la loupe.
— Oh merde ! C’est bien ça… Il y a une inscription minuscule dans le livre.
Marcas sortit un stylo et un relevé froissé de carte bleue. L’excitation le gagnait.
— Vas-y !
— 1… 7… Ma… ri… a… ni… gra… ca … tin.
66… 6… 5… 4. Et… in Arc… Là, c’est plus simple… in Arcadia ego…
Elle se releva, courbaturée, et se massa le cou.
— Alors, marquis ? Marie la Noire, une vierge noire je suppose, pour le reste… Catin ? Marie Madeleine était une prostituée. Mais…
Le vieux noble avait à nouveau un regard exalté. Il joignit ses mains comme pour une prière. Un autre craquement retentit.
— Maria nigra. Catin . Mon Dieu, ce n’est pas possible. Tout colle, vous n’avez pas idée de ce qu’on vient de trouver.
Marcas lui posa la main sur l’épaule. L’aristocrate n’était plus le tribun tonitruant, il tremblait de tous ses membres, comme s’il avait reçu une décharge électrique.
— Saunière a fait de nombreuses fouilles dans le cimetière du village et il s’est particulièrement intéressé à une tombe, celle de la dernière descendante des seigneurs de Rennes, Marie de Nègre d’Ables. C’est elle, sans aucun doute, la Maria nigra .
— Et catin ?
— Le mot se retrouve dans l’épitaphe gravée sur la stèle. Mais ne vous y trompez pas, il lui faut donner son vrai sens. Dans le patois local, catin signifie grotte.
— Et le 17 ? demanda Cécile, intriguée.
Le marquis s’appuya contre l’autel. Son visage s’était empourpré.
— 17 janvier 1781, le jour de la mort de la comtesse, inscrit sur la stèle. Sans compter que c’est aussi un 17 janvier que Bérenger Saunière est tombé victime d’une apoplexie qui lui a été fatale. C’est un chiffre qui joue un rôle récurrent et étrange dans l’énigme de Rennes-le-Château.
— Il ne nous reste plus qu’à trouver cette stèle ! s’exclama Antoine.
— Sauf que l’abbé Saunière l’a détruite : il a effacé l’inscription.
— Alors notre piste s’arrête là. C’est trop stupide ! s’écria Cécile en s’asseyant sur une marche de l’autel.
Le saint Jean-Baptiste de plâtre les regardait avec ironie.
— Il s’est bien foutu de nous, le curé !
De Perenna éclata de rire.
— Non. La pierre tombale a disparu mais il existe… une copie. Une copie fidèle jusqu’à la perfection. Venez, il est temps que vous rencontriez Bérenger Saunière et sa servante.
Antoine et Cécile échangèrent un regard ahuri.
— Ils nous attendent, ajouta le marquis.
51
Paris
Place de la Révolution
21 janvier 1793
— Combien ? demanda Sanson, incrédule.
— Vingt mille hommes, répondit Garat qui venait de quitter l’Assemblée, on craint un coup de main des aristocrates.
Sanson jeta un œil sur le député, puis sur les troupes amassées depuis les Tuileries jusqu’à la place de la Révolution. Des gardes nationaux, des fédérés venus de Province, des sections de sans-culottes. Toute une armée prête à la répression. Certes, depuis des jours, la rumeur courait à Paris d’un complot fomenté par des royalistes. Une tentative désespérée des partisans de l’Ancien Régime pour sauver Louis XVI du couperet de la guillotine. Mais Sanson contempla encore la masse compacte des soldats : le roi n’avait plus
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