Apocalypse
porte tourna.
— Jeanne d’Arc, mon Dieu… Vous êtes donc au courant du secret légué par mes aïeux…
— Une partie seulement.
— C’est déjà trop, je…
Louis XVI n’acheva pas sa phrase. Un officier de la garde nationale entra. Ses mains tremblaient.
— Sire, il est l’heure.
Loge des Vrais Amis réunis
Villermoz regardait Chefdebien s’habiller. Il était torse nu et s’apprêtait à revêtir une chemise rouge. Pour un homme qui allait remplir une mission capitale, il était étrangement calme. La veille, un frère était venu le prévenir. Désormais son destin personnel se confondait avec celui de l’Histoire.
— Les vêtements sont les mêmes que ceux des assistants, précisa Villermoz. Quant à la couleur, vous vous doutez, je pense…
Chefdebien l’arrêta du regard.
— Bien sûr, se reprit Villermoz, excusez-moi. Un de nos frères, membre de la garde nationale, va venir vous chercher et vous conduira directement place de la Révolution. Là, le…
— Vous pouvez prononcer le nom, lâcha le marquis.
— Là, le bourreau vous conduira à l’échafaud. Il vous montrera votre place.
Le marquis inspira longuement. Son cœur commençait à taper dans la poitrine.
— En ce moment, un de nos frères est près du roi. C’est sur lui que tout repose.
— Qui est-ce ?
Villermoz hésita un instant.
— Le confesseur.
— Un prêtre !
— Allons, marquis, vous savez bien que nous avons toujours initié des hommes d’Église.
Chefdebien ne répondit pas. Il pensait au confesseur, à cet homme seul devant un roi aux portes du supplice. Qu’allait-il lui dire pour le convaincre ?
— Louis est très croyant. Nous comptons sur sa volonté de se purifier de tout avant d’affronter le jugement de Dieu. D’ailleurs…
— Et d’abandonner un secret que ses pères lui ont légué ? le coupa le marquis.
— Il aura le choix. Jusqu’au dernier moment. Et c’est à vous qu’il choisira ou non de livrer la vérité. Vous vous rappelez le mot de passe ?
— Oui. Quel sera mon rôle auprès du bourreau ?
— C’est vous qui vous chargerez du panier. Vous le remplirez de son, qui sert à absorber le sang, et vous le placerez juste sous la lunette. Puis…
— De son ! s’exclama Chefdebien, et ensuite ?
Villermoz tapa de sa canne sur le parquet. Il n’aimait pas être interrompu.
— Il va s’écouler à peine moins d’une minute entre le moment où Louis aura la tête bloquée et le fauchage par la lame. C’est à ce moment qu’il risque de parler.
Chefdebien baissa la tête. Un nœud commença à se former dans son estomac. Brusquement une clameur immense qui venait de la rue traversa les persiennes.
— Le roi vient de quitter la tour du Temple, annonça Villermoz, vous êtes prêt ?
Sans répondre, Chefdebien s’avança vers la porte. La voix de son frère l’arrêta :
— Vous n’oubliez rien, marquis ?
Chefdebien se retourna. Villermoz tenait dans la main un morceau de tissu rouge sang.
— Prenez, votre cagoule.
52
Rennes-le-Château
26 juin 2009
L’orage grondait à nouveau sur le village. Antoine, Cécile et le marquis avaient passé un portail attenant à l’église qui donnait sur une maison d’aspect ordinaire. Une petite pancarte qui indiquait « musée » trônait sur une plaque accolée au mur de pierre. Le marquis fit un signe au gardien qui les laissa entrer.
Marcas s’arrêta net.
Assis sur un fauteuil, engoncé dans une soutane noire, Bérenger Saunière les fixait d’un regard figé. Les lèvres minces, le visage blafard, les mains posées sur les accoudoirs, la statue de cire ressemblait à la perfection à son illustre modèle. À son côté, Marie Dénarnaud, en blouse gris et blanc, s’affairait à une tâche ménagère.
Cécile saisit la main d’Antoine.
— C’est stupéfiant. Avec le jeu de l’éclairage, ils ont l’air si réels… Ils me foutent la chair de poule.
Le marquis fit un petit signe de croix devant le curé.
— Salut à toi, mon Bérenger. Venez, ce que nous cherchons est à l’étage.
Il les précéda et grimpa une volée de marches qui débouchait sur une vaste salle. Ils s’arrêtèrent devant une grande dalle de pierre juxtaposée au mur.
— Manque de chance pour le curé, des archéologues de la Société des Études scientifiques de l’Aude avaient procédé à un relevé de la dalle avant sa profanation. Le musée l’a fait
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