Apocalypse
la maintint contre lui.
— Ne dis rien, laissons-le parler, ça nous fait gagner du temps, chuchota-t-il.
La voix invisible continua :
— Flic chéri, nous te suivons depuis Jérusalem. Les choses auraient été tellement plus simples si tu n’avais pas arrêté notre… ami canadien. Tu serais tranquille chez toi à regarder la télévision ou à t’envoyer en l’air. Au lieu de ça, tu es ici à notre merci avec tes amis. Nous avons droit de vie et de mort sur vous trois. En es-tu conscient ?
Antoine recula insensiblement, guidant Cécile vers ce qu’il pensait être le mur sur la gauche du cadavre de la servante.
— Du bluff. Vous n’y voyez rien, comme nous, gronda Marcas.
— Vraiment, cher commissaire… Je vois distinctement tes yeux qui regardent dans tous les sens, je remarque que ta compagne te presse la main, la tête sur ton épaule. C’est charmant… ça s’appelle lunettes infrarouges. Excellent pour les randonnées la nuit dans la campagne et les expéditions dans les caves des patelins.
— Que voulez-vous ? C’est vous qui avez tué Hannah Lévy ? Vous avez le dessin ?
Un rire strident monta dans la cave.
— Jackpot ! Et à présent c’est toi qui vas le déchiffrer pour nous !
— Crevure, menaça Antoine qui revoyait le doux visage de l’Israélienne.
— Merci… On vous a suivis à l’église et au musée. Alors maintenant vous allez parler !
Antoine chuchota à l’oreille de Cécile :
— On va continuer de reculer contre le mur et passer derrière le renfoncement. On aura peut-être une chance.
Elle lui serra la main pour acquiescer. La voix haussa d’un ton :
— Où est le tombeau ?
— Jamais, cria le marquis, allez-vous faire foutre. J’ai passé une partie de ma vie dans ce village à vouloir mettre la main sur le trésor. Je ne vous…
Il ne put finir sa phrase. Un coup de matraque s’abattit sur sa nuque, il tomba comme une masse.
— Et d’un. À qui le tour ? Le tombeau, Marcas, où se trouve le tombeau ?
Antoine enrageait, ils étaient pris au piège. Le coup pouvait venir de n’importe quel côté. Il percevait des bruits diffus de chaque coin de la cave.
— Et ensuite, répondit-il, vous allez nous tuer ?
Antoine sentit le corps souple et chaud de Cécile contre lui. Il ne voulait pas qu’il lui arrive du mal.
— OK, rallumez la lumière, céda-t-il.
— À la bonne heure. On va s’entendre.
Antoine chuchota à l’oreille de Cécile :
— On fait semblant de lui obéir. Notre situation ne pourra pas être pire.
— Sûrement pas !
Marcas se figea. La lumière s’alluma comme par enchantement, inondant la cave. Il baissa la tête et découvrit avec stupeur que ce n’était pas Cécile qu’il avait dans les bras, mais une jeune femme inconnue qui le regardait avec un sourire en lame de rasoir.
— Tu ne me reconnais pas ? On s’est pourtant croisés à Jérusalem ! Très galant, tu m’as même tenu la porte quand je suis entrée dans l’immeuble de la vieille.
Il voulut se détacher de son étreinte mais n’y arriva pas : elle s’accrochait à lui, le serrant avec force.
— Bonne nuit, connard.
Avant même qu’Antoine ne réponde, une douleur fulgurante irradia sa nuque. Il sombra.
55
Rennes-le-Château
1 er juin 1885
Il s’était levé tôt. Dans la maisonnée endormie, aucun bruit ne venait troubler la nuit qui commençait juste à blanchir au-dessus des collines. À pas lents, il passa devant la chambre de son frère. Un rayon de lumière tremblait sous la porte. Bérenger soupira : une fois encore son frère Alfred avait passé la nuit à lire à la lueur d’une maigre chandelle. Cette frénésie de lecture inquiétait toute la famille. Pour un simple curé de campagne, il n’y avait pas besoin de tant de savoir. Bérenger fit un signe de croix pour conjurer le péché d’orgueil et entama un Notre père pour l’âme de son frère, tenté par le démon de l’ambition. Tout en descendant l’escalier vers la cuisine, il se demandait comment deux frères, aussi proches dans leur enfance, pouvaient être devenus si différents à l’âge mûr. Certes, ils étaient prêtres tous les deux, mais l’identité désormais s’arrêtait là. Alfred était insatisfait, fébrile, toujours empli de projets de grandeur, Bérenger, lui, vivait dans la sereine acceptation de son destin. Ce que Dieu choisirait pour lui suffirait à sa vie.
Arrivé dans la cuisine, il
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