Apocalypse
Le carrosse du roi venait de s’arrêter.
Un abbé sortit en premier, puis le roi apparut. Il posa le bras sur l’épaule du prêtre et commença de marcher. La rumeur s’était éteinte. Sanson, debout sur son échafaud, entendit un pas sourd sur le pavé. Brusquement, les tambours roulèrent. Instinctivement, la foule recula, des chevaux se cabrèrent. Une clameur éclata, soudaine et terrible.
Louis XVI était face à la guillotine.
Derrière sa cagoule, Chefdebien se sentit frissonner. Sanson était en train de lier les mains du roi. La foule bruissait comme une forêt avant l’orage. Autour de l’échafaud, la troupe serrait les rangs.
Juste avant de se coucher sur la planche, Louis XVI se tourna vers le peuple. Il ouvrit la bouche, mais une vague de hurlements couvrit ses paroles.
Les genoux tremblants, Chefdebien s’agenouilla près du panier. La tête de Louis XVI n’était qu’à quelques pouces de la sienne, enserrée dans l’ouverture de bois. Le sang lui battait aux tempes. Le bourreau s’approchait de la guillotine. Chefdebien prononça un seul mot à l’oreille du roi.
— Jeanne !
Le roi tourna légèrement la tête vers l’homme cagoulé.
— Êtes-vous l’envoyé d’Edgeworth ?
— Oui, sire. Nous n’avons que très peu de temps.
— Écoutez-moi, prononça la voix étouffée du monarque. Un secret a été transmis de roi en roi depuis Charles IV. C’est un secret terrible.
— Parlez, le bourreau va faire son office.
Debout, face à la foule, Sanson saisit la corde du couperet. Le roi essaya de tourner la tête mais n’y arriva pas.
— Son secret est inscrit dans un dessin du peintre Nicolas Poussin. Les Bergers d’Arcadie . Une église… un petit village dans le sud de la France. L’ancienne… province du Razès. Mon Dieu, j’ai peur.
La foule se mit à hurler. Le roi baissa la tête.
— Pourquoi les Français me haïssent-ils ? Chefdebien était à bout.
— Son nom, sire ! Le nom du village ?
Un bruit sec fusa. Une gerbe de sang éclaboussa la chemise du marquis.
La tête de Louis XVI venait de tomber dans le panier. Les yeux du monarque étaient grands ouverts, regardant fixement Chefdebien.
54
Rennes-le-Château
24 juin 2009
L’averse s’était transformée en une fine pluie qui constellait la fenêtre d’une myriade de gouttelettes. La lumière du réverbère se diffractait en autant de perles scintillantes. Antoine se tenait debout, les mains derrière le dos, le regard perdu vers la rue déserte. Il se sentait toujours fatigué. Cécile, elle, était en pleine forme.
— La pierre tombale de Marie de Nègre nous indique que l’énigme est liée à l’Apocalypse, mais je ne vois pas le rapport avec le trésor du curé. À moins qu’il n’ait trouvé l’heure et la date de la fin du monde et qu’il ait monnayé l’information auprès du Vatican…
Le marquis s’étira contre le dos de son fauteuil.
— J’ai trouvé autre chose.
Antoine se retourna vers lui.
— Souvenez-vous, continua l’érudit, dans le bas-relief il est écrit : Et in Arcadia ego sum Maria Magdala . Ce qui fait référence au dessin. Je vous rappelle que, pour beaucoup de chercheurs, Poussin aurait peint un tombeau existant dans la région. Or, il y a bien une sépulture maçonnée à l’identique, rectangulaire avec des bords arrondis en haut, la copie exacte du tableau, dans une propriété privée à côté de la commune d’Arques, à quelques kilomètres d’ici.
— Étonnant. Je suppose que tous vos chercheurs se sont rués là-bas avec pelles et pioches.
— Vous pensez… Une ruée vers l’or ! Tenez, j’ai une photo dans un livre récent.
Marcas prit l’ouvrage que lui tendait de Perenna. On y voyait un petit garçon de cinq ans debout devant le tombeau. Il le compara avec la photo du dessin et le tableau : la ressemblance était stupéfiante.
— Là, j’avoue que c’est troublant.
Avec un petit sourire, le marquis reprit le livre et le referma.
— Seulement voilà, ce tombeau n’a pas été construit à l’époque de Poussin mais seulement au siècle dernier. Et il a été rasé à la fin des années 1980 par ses propriétaires, excédés des intrusions constantes des chercheurs de trésor.
Cécile s’étira et se versa un verre d’eau.
— Cette histoire est sans fin, les indices surgissent, on ouvre des portes et, au moment où on croit trouver quelque chose, elles se referment
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