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Apocalypse

Apocalypse

Titel: Apocalypse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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Seigneur lui offrirait un premier asile.
    Sa déconvenue fut rapide. Comme le reste du village, l’église semblait avoir été frappée de malédiction. Un corbeau, dérangé dans son sommeil, jaillit d’un vitrail fracassé en croassant de colère. Bérenger se signa. Le sanctuaire était en ruine. Les murs menaçaient de s’écrouler, des débris de tuiles s’entassaient devant l’entrée.
    Décontenancé, Bérenger obliqua vers le presbytère. Il posa son sac et saisit la poignée en fer forgé. La porte ne résista pas et s’écroula d’un coup.
    Le visage couvert de poussière, Saunière avança d’un pas. Devant la cheminée noire de suie, un rat le contemplait, les yeux brillants, prêt à défendre son territoire contre l’intrus.
    De rage, Bérenger l’écrasa d’un coup de galoche. Désormais il était le nouveau curé de Rennes-le-Château.
     
    Six ans plus tard
     
    Il ne pleuvait plus dans l’église. L’abbé Saunière, comme on l’appelait désormais dans le village, avait puisé dans ses économies familiales pour refaire la toiture. Une générosité qui avait ranimé des animosités latentes. Les langues les plus venimeuses rappelaient que le père de Bérenger avait été le régisseur d’un noble et qu’il s’était enrichi à la tête d’une minoterie. Rien d’étonnant que le fils gaspille l’argent gagné sur les prolétaires qui avaient sué à couvrir de tuiles neuves le temple de la superstition, et certains avaient intrigué pour le faire déguerpir.
    À la suite de ses sermons enflammés contre la République, il avait été contraint à changer de paroisse avant de revenir quelques mois plus tard, assagi sur le plan politique mais toujours déterminé à faire de sa paroisse la plus belle des alentours.
    Peu à peu, les habitants avaient repris le chemin de l’église. Peu d’hommes et beaucoup de femmes. À tel point que le curé avait dû dessiner un plan d’occupation des travées pour éviter rivalités et jalousies féminines. À la messe du dimanche, il n’y avait quasiment plus de place disponible. Presque toutes les habitantes du village se pressaient pour entendre le jeune abbé prêcher du haut de sa chaire. Cette présence féminine qui entourait l’abbé Saunière ne se limitait pas à la messe dominicale, on venait plus souvent à confesse, on proposait ses services au presbytère et on parlait de plus en plus de Bérenger dans les foyers. Un sujet de conversation qui menaçait d’envenimer la paix de certains ménages.
    Depuis son réveil, Saunière contemplait les deux feuilles de papier posées sur sa table. Inlassablement il reprenait le nom de ses paroissiennes : Louise Sauzède, Marguerite Clamou, Rosalie Péchou, Victoire Maury… Il y avait soixante-dix noms féminins d’inscrits. Pour chacun Bérenger revoyait un visage, un sourire, une natte sur une robe, mais aussi et surtout les confessions. Il savait tout du village : les alliances, les haines, les amours illégitimes et les bâtards insoupçonnés. Tous les secrets de la communauté finissaient dans le confessionnal comme dans un égout souterrain. À la différence que rien ne disparaissait, tout retrouvait sa place dans la mémoire subtile de l’abbé Saunière.
    Encore une fois Bérenger répéta la litanie des noms de ses paroissiennes. Des femmes qu’il tenait par des liens invisibles qui allaient de la fascination à la crainte, du désir à la honte. Une toile d’araignée tissée avec patience grâce à laquelle le prêtre espérait bien prendre sa revanche.
    Il se souvenait encore de ce paysan à la barbe naissante, au chapeau raide de crasse, qui avait craché sur son passage. Un exalté qui voterait républicain sans aucun doute. Un homme qui rêvait d’égalité, de partage, mais qui voudrait être l’égal de cet homme, sans éducation, ni religion ?
    Saunière haussa les épaules. L’égalité, quelle folie ! Il n’y avait d’autre vérité que la soumission à la volonté de Dieu. Et si le Tout-Puissant avait choisi que vous passiez votre vie à suer sang et eau sur une terre ingrate, vous n’aviez qu’à vous résigner. Une vie meilleure vous attendrait après votre mort. Sinon, pourquoi Dieu laisserait-il vivre tant de pauvres ?
    Il en discutait parfois avec son frère qui avait suivi une autre voie mais dont il restait très proche. Tous les deux mois, il lui rendait visite à Narbonne et lui demandait conseil sur beaucoup de choses. Lucide, Bérenger

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