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Apocalypse

Apocalypse

Titel: Apocalypse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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alluma la mèche de la lampe à pétrole et une lumière blonde illumina les lourdes dalles du sol polies par des générations de Saunière. Délicatement pliée sur une chaise, une soutane attendait. La veille, sa mère l’avait longuement repassée en prévision du grand jour. Un sursaut d’émotion envahit Bérenger. Dans quelques heures, il deviendrait le curé de Rennes-le-Château.
    Sa nomination était arrivée quelques jours auparavant de Carcassonne. Un courrier signé de l’évêque qui lui confiait le devenir des âmes de cette paroisse du Razès. Quand il avait annoncé cette nouvelle à sa famille, tous les siens avaient manifesté leur joie. Tous sauf Alfred qui, un sourire en coin, avait ironisé sur cette paroisse oubliée au milieu d’un plateau de genêts. Sans compter, avait-il ajouté, que les habitants étaient réputés pour leur mauvais esprit. Cette dernière remarque, seul Bérenger l’avait parfaitement comprise. Rennes-le-Château était un bastion républicain où les catholiques, fidèles au roi, n’étaient pas en odeur de sainteté. Les élections devaient avoir lieu bientôt et l’arrivée d’un nouveau curé pouvait troubler le jeu politique déjà très tendu. À tel point que la République se refusait de donner le droit de vote aux femmes, de peur qu’entraînées par les prêtres elles ne votent massivement pour les candidats royalistes.
    Bérenger, lui, n’avait pas d’états d’âme. Royauté et Église étaient indissociables. Quant à la République et son gouvernement d’impies, il était du devoir du prêtre de tout faire en son pouvoir pour en dénoncer l’hérésie.
    Dehors, la nuit finissait de tomber. L’aube perçait à travers les arbres. Bérenger tira la porte, jeta un dernier regard sur la maison de son enfance et se mit en marche d’un pas résolu.
    Les chemins du Razès incitent à la méditation. Caillouteux, étroits, parsemés d’herbe rase et jaune, ils serpentent à flanc de colline, longent des lits de rivières desséchés, quand ils ne se perdent pas au détour d’une broussaille. Une métaphore de l’existence humaine, en somme, qui ne pouvait que faire réfléchir un prêtre. Ce n’était pourtant pas la première fois que Bérenger empruntait ces chemins, un bréviaire à la main et révisant son rosaire. Lors de ses rares sorties du séminaire, quand il revenait dans sa famille, il avait passé de longues heures à parcourir ces sentiers perdus. Une perdrix, escortée de ses oisillons, qui s’envolaient à travers les buis, un chêne vert au tronc perclus, déformé par le vent, tout le ramenait à son apostolat. À cette vie des hommes qu’il allait devoir accompagner, de la naissance à la mort.
    L’évêque de Carcassonne lui avait confié un troupeau de fidèles dont il allait devenir le pasteur. Cette responsabilité le rendait grave et le faisait se recueillir. Peu à peu comme la côte devenait rude, il avait ralenti le pas. Au loin, le plateau de Rennes émergeait dans l’aurore, les premiers toits de tuiles rosissaient sous le soleil levant. Bérenger s’arrêta pour évaluer la distance. Encore une heure de marche et sa vie allait changer.
    C’est un homme à dos de mulet que Bérenger Saunière croisa en premier. Le visage mal rasé, coiffé d’un large chapeau crasseux, il fixa le prêtre et cracha par terre.
    Bérenger s’arrêta net. Il avait beau être prêtre, son sang se mit à bouillir. Nul ne lui avait jamais manqué de respect ainsi. L’Évangile avait beau enseigner le pardon des offenses, il sentit monter en lui une colère qu’il maîtrisait mal. L’homme et son mulet avaient déjà disparu au coin d’une rue. D’un pas vif, Saunière reprit sa marche vers l’église. Le village semblait à l’abandon. La plupart des maisons avaient des façades décrépies, les volets avaient perdu leur peinture, un chien aux côtes saillantes surgit au milieu de la poussière, flaira le vent chaud qui montait du Sud et déguerpit, la queue basse.
    Face au nouveau curé se dressait la masse rocailleuse du château. La plupart des volets en étaient brisés, la toiture d’une des tours laissait voir sa charpente. Nul ne semblait habiter ce vaisseau fantôme. Un instant, le découragement s’abattit sur les épaules du jeune prêtre. Ce village était oublié de Dieu. Il releva la tête et vit le clocher dont la pointe brillait à la lumière du soleil. Il se ressaisit et accéléra son pas. La maison du

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