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Apocalypse

Apocalypse

Titel: Apocalypse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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paraît que le salaud de l’histoire, Della Rocca, est un des nôtres. On ne peut plus se fier à personne.
    — Une brebis galeuse… Tu voulais quelque chose en particulier ?
    Le frère Obèse se mit à glousser.
    — Oui. Figure-toi que durant ton séjour aura lieu une grande tenue maçonnique internationale à Jérusalem. Juste sous l’ancien emplacement du Temple de Salomon.
    Antoine tendit l’oreille. Il avait déjà entendu parler de cette cérémonie exceptionnelle. Des maçons triés sur le volet, venus du monde entier, qui se réunissaient dans un lieu où même les archéologues israéliens ne pénétraient pas.
    — Et alors ?
    — J’y suis invité cette année.
    Marcas commença à se sentir fébrile.
    — Toutes mes félicitations. Tu fais partie de l’élite de la corporation à ce que je vois.
    — Élite… Élite… toujours les grands mots, avec les frères du Grand Orient !
    — Enfin, élite ou pas, il y a une place pour toi.
    Antoine sentit sa respiration s’accélérer. Il brûlait d’accepter, mais il enrageait de devoir cette faveur au frère Obèse.
    — Tu sais, je ne sais vraiment pas si j’aurai le temps. J’ai un emploi du temps déjà très chargé.
    — Tu te fous de moi, là… d’autant que tu me dois quelques retours d’ascenseur. Tu te souviens de ton escapade à Venise il y a trois ans 3  ?
    Antoine souffla. Il avait retourné la situation. Du moins en apparence. Car dans le fond, pareille invitation était tout sauf désintéressée.
    — Je ne suis pas un ingrat… Si tu insistes…
    — Bravo. Tu ne le regretteras pas.
    — Je n’en doute pas ! Vu que je suis sûr que tu sais déjà quel bénéfice tu tireras de ma venue.
    Un silence se fit à l’autre bout du fil. Antoine imagina le frère en train de savourer ce moment comme un gros chat devant une souris prise au piège.
    La voix de son fils retentit à l’autre bout de l’appartement :
    — Papa, ta barbaque est prête.
    — Je viens, deux secondes !
    Le frère Obèse reprit la parole :
    — Je répondrai à ta question sur place. Je te laisse avec ton fils.
    — Attends. Comment on se retrouve à Jérusalem ?
    — T’inquiète pas pour ça.
    — Mais, je te joins où ? insista Marcas.
    Un rire sonore lui répondit.
    — Te bile pas. Je sais où est ton hôtel, c’est moi qui l’ai conseillé aux services comptables. Bye-bye… frangin.
    Pierre surgit dans la chambre, torse nu, en train d’éventer avec son tee-shirt les relents d’une cuisson poussée à l’extrême.
    — Je sais pas trop ce qui s’est passé avec l’huile chaude mais, si tu veux manger quelque chose qui ressemble encore à de la viande, va falloir te presser.
    — Mets les couverts, j’arrive.
    D’un coup sec, Antoine fit coulisser le clapet de son portable. Les pensées se bousculaient dans sa tête. Une fois encore, maçonnerie et enquête de police formaient un couple infernal. Comme les deux faces d’une pièce de monnaie. De quoi ravir ceux qui avaient la conviction d’un complot perpétuel, d’une manipulation incessante entre sociétés secrètes et politique. Le frère Obèse, à travers ses réseaux et ses relais, était l’incarnation même de ces arrangements à la marge, l’interface absolue où tous les pouvoirs se croisaient, se mêlaient jusqu’à n’en former plus qu’un.
    — J’te préviens, hurla son fils, la viande est carbonisée. Tes dents de vieux vont pas tenir le choc !
    — Attends de voir, petit morveux !
    Antoine leva les yeux vers le miroir cerné de dorures, posé au-dessus du bureau, qui lui renvoyait son image. Un rare vestige de l’appartement de ses parents. Il s’immobilisa devant le visage aux traits tirés. Était-ce possible que ce soit le même miroir qui ait reflété ses jeux d’enfants ? Il venait d’avoir quarante-quatre ans et n’arrivait toujours pas à intégrer ce chiffre. Cinquante ans dans six ans, ça le faisait frémir. Soixante dans seize ans… Il chassa ces chiffres implacables. Jamais il ne s’était senti aussi fort dans sa tête et son corps. Malgré la mort d’Aurélia, il était débordant d’énergie et se sentait toujours plus proche de sa jeunesse que d’une retraite hypothétique.
    Il détailla néanmoins son reflet. Son front était barré désormais de trois longues rides parallèles qui se creusaient au premier souci. Rien à voir avec le profil, lisse et blanc, de la photo de sa carte d’identité qui arrivait

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