Apocalypse
adolescent attardé, un junkie du week-end, un dragueur de serveuses de bar, un minable qui n’avait jamais rien fait. J’avais trente-cinq ans et tout foiré.
Son voisin lui prit la main et la serra.
— À ce moment, j’ai cru que ma vie était foutue. Et là mon père a parlé.
Miller se leva et posa la main sur l’épaule de Ted.
— Nous avons tous connu cette expérience. Nous avons tous été jetés face à la vérité. Et tous, nous avons eu le choix d’accepter ou non l’héritage. Levez-vous, mes frères !
Chaque membre prit la main de son voisin et une chaîne se dessina autour de la table. John prit la parole :
— À chacun de nous a été offerte la véritable Révélation !
— Judas, notre père, nous sommes tes fils, ta chair et ton sang ! entonna d’une seule voix le conseil.
— À chacun de nous a été donnée la Lumière !
— Judas, le Grand Ancien, que toujours ton savoir nous éclaire et nous guide !
— À chacun de nous a été donné un destin !
— Judas, Maître des Élus, nous poursuivrons ta vengeance !
Le silence retomba. Sur les écrans de contrôle, le présentateur de CNN venait de faire son apparition, ovationné par les invités de la soirée.
— Mes frères en Judas, un signe s’est produit. Un signe majeur ! s’exclama Miller. Le dessin de Poussin a été retrouvé.
— Bon Dieu, John, ça fait combien de temps qu’on le cherche, ce dessin ?
— Près de soixante ans. Il a disparu pendant la dernière guerre.
Le président de l’American Faith Society regarda un à un ses douze frères. À l’exception de Ted, c’étaient tous des hommes qui étaient près d’aborder les rivages incertains de la vieillesse. Durant toute leur vie, ils étaient restés fidèles à la quête. Tout faire afin de retrouver ce dessin. La dernière pièce de l’échiquier pour achever une lutte qui se poursuivait depuis des siècles.
— Il est où maintenant ?
Miller les regarda encore une fois. Non, ce n’était pas la peine de les mettre au courant de la transaction ratée du Carré du Louvre ni de l’exécution des policiers français. Et de toutes ses conséquences. Il répondit calmement comme avec indifférence :
— En ce moment précis, sous la garde d’un commissaire qui est parti à Jérusalem pour le rendre à sa propriétaire. Une dame de soixante-quatorze ans. Le dessin a été volé à ses parents pendant la guerre. Elle est donc l’unique et légitime héritière.
— Alors il faut le lui acheter !
Un élan d’approbation accueillit cette proposition. Ted se tourna vers le trésorier de l’association.
— Combien on peut mettre ? De façon discrète ?
— Sans toucher à nos programmes les plus visibles, je dirais qu’on peut monter jusqu’à 5 millions de dollars.
Le visage de Ted s’épanouit aussitôt.
— Avec une somme pareille…
La voix de Miller résonna dans la pièce :
— Une pacotille ! Et je vais vous dire pourquoi : Hannah Lévy, la future propriétaire, a déjà annoncé son intention de faire don du dessin à un musée national.
Un silence de mort tomba sur l’assemblée. Le président fixa Ted avec détermination.
— C’est un État que nous devons acheter désormais, plus une vieille dame !
Un coup sourd retentit dans la pièce. D’un poing rageur, Brettfield venait de frapper la table. Son regard était fixé sur l’image transmise de la salle de réception.
— Êtes-vous vraiment certain que l’American Faith Society doive se prêter à cette mascarade ?
Tous les membres tournèrent le regard vers l’écran plasma. Dans la salle de réception, le célèbre présentateur télé venait de commencer son discours. Sa voix chaude et vibrante enfla tandis que, derrière lui, une vidéo syncopée envahissait un écran géant : un enfant noir à genoux, les yeux fous, la peau prête à crever sous les côtes, hurlait de faim.
— Tout cela n’est que mise en scène, vous vous en doutez, quant à ce clown…
Miller ne daigna même pas jeter un œil sur le journaliste vedette en plein show.
— … nous en avons besoin. Comme je viens de vous le dire, nous devons augmenter rapidement nos réserves. Il nous faut des fonds nouveaux et importants pour financer…
— Une intervention musclée pour récupérer le dessin ? suggéra Ted.
John le regarda avec la patience que l’on a pour les jeunes enfants.
— Une intervention diplomatique, plutôt, et qui
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