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Apocalypse

Apocalypse

Titel: Apocalypse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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Jeanne.
    En principe, un nouveau compagnon devait aussitôt prendre la route à son tour afin de transmettre les consignes en retour.
    Mais aucun ordre n’arrivait jamais de Chinon. Comme si le sort de Jeanne n’intéressait plus la couronne de France, et Roncelin en était réduit aux hypothèses les plus pessimistes.
    Jusqu’à la veille, où un compagnon s’était présenté à la porte du chantier, une fleur de lys en argent suspendue à son cou. Roncelin l’avait reçu aussitôt.
    Le frère n’avait eu qu’une consigne qui avait stupéfié le vieux maître :
    « Récupérez le dessin de la Pucelle. »
     
    Aymon sortit brusquement de sa torpeur. Le gardien du seuil lui secouait l’épaule.
    — Eh bien, tu t’es endormi ? Dépêche-toi, ils t’attendent à l’intérieur.
    Le compagnon se leva et se dirigea, encore étourdi, vers le rectangle de lumière qui venait de s’ouvrir dans l’antichambre. Il entra. Toute la loge était illuminée par des centaines de bougies disposées en rangs serrés entre les bancs et le centre de la pièce. Une fois que ses yeux furent accoutumés à tant de lumière, Aymon s’aperçut qu’il ne pouvait rien distinguer derrière ce mur de feu. Ceux qui l’avaient convoqué et maintenant l’observaient demeuraient invisibles. Le grincement d’une porte du côté du mur de la cathédrale, suivi d’un bruit de pas, troubla encore plus le compagnon. Mille idées confuses résonnaient dans sa tête. Qui venait d’arriver ? Pourquoi l’avait-on convoqué ?
    Une voix grave brisa le silence :
    — Aymon, sais-tu pourquoi tu es ici, dans la chambre ardente ? N’as-tu rien à te reprocher ?
    Brusquement Aymon fut saisi d’un doute. Qu’avait-il fait ces derniers mois ? Il réfléchit comme si sa vie en dépendait. Mais, non, rien ! Rien d’autre que de tailler la pierre dans l’atelier sous la charpente de la cathédrale.
    — Non, je n’ai rien fait.
    La voix s’éleva, impérieuse et violente :
    — Tu mens, frère !
    Tout à coup la lumière se fit dans l’esprit d’Aymon. Il venait de reconnaître cette voix. La même qui, trois semaines auparavant, lui avait confié une mission particulière au Castel Vieux en lui faisant jurer le secret absolu. Une mission simple d’ailleurs : désobstruer une coursive effondrée.
    Aymon souffla.
    Roncelin était en train d’éprouver sa foi. Son initiation de maître venait de commencer.
    — Je n’ai fait que ce qui est prescrit à un compagnon : obéir et travailler.
    — As-tu obéi dans le silence ?
    — Oui.
    Une première rangée de bougies à gauche s’éteignit, comme soufflée par un vent invisible.
    — As-tu obéi sans doute ni remords ?
    — Oui.
    À droite, la haie de lumière disparut comme par enchantement.
    — As-tu obéi au péril de ta vie ?
    Aymon balança avant de répondre. Il savait, pour l’avoir vécu lors de son passage au grade de compagnon, que, dans le rituel des augmentations de salaire , venait toujours une question piège à laquelle il fallait répondre avec une lucidité accrue.
    — Non.
    Devant lui la dernière barrière de lumière brûlait toujours.
    — Aujourd’hui, es-tu prêt à obéir au péril de ta vie ?
    Cette fois le compagnon n’hésita pas.
    — Oui.
    La loge plongea dans la nuit.
     
    Roncelin avait des yeux de chat. Dans l’obscurité qui venait de s’abattre, il distinguait la silhouette d’Aymon. Le compagnon n’avait pas faibli. Il se tenait droit et ferme, digne de la mission qu’on allait lui confier. Le maître saisit le maillet et frappa deux coups sur l’accoudoir de son siège. Aussitôt, des veilleuses à la flamme tremblotante s’allumèrent, par groupes de trois, aux angles de la loge. Une faible lueur rayonna dans la salle. Assis sur des bancs de bois, on devinait les maîtres qui portaient de longues capuches dissimulant leur visage. On aurait dit une assemblée de spectres. Au centre, Aymon, les yeux fiévreux, fixait l’orient. Là où était Roncelin.
    Le vieux maître inspira profondément avant de parler.
    — Frère Aymon, les maîtres ici présents ont statué sur ton sort. Ils t’ont jugé digne d’être accepté parmi eux et de prendre rang sur la Colonne du Midi.
    Un murmure d’approbation parcourut les bancs de l’assemblée.
    — Frère Aymon, reprit Roncelin, nul ne peut recevoir la lumière de l’esprit, s’il n’a vaincu en lui sa part de ténèbres. Es-tu prêt ?
    — Je suis prêt à

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