Apocalypse
pour lui-même. Et dire qu’il allait participer à une tenue maçonnique pour célébrer les vertus de l’humanisme !
Il enfila sa veste et s’inclina devant Hannah.
— Je comprends. Nous verrons avec le commandant Steiner si la réception doit-être annulée ou non. Je vous laisse. Ne vous levez pas, je fermerai la porte en sortant.
— Merci. Tout cela m’a bouleversée. Appelez-moi demain. Et merci encore pour tout ce que vous avez fait.
Il serra sa main frêle et tourna les talons. Juste avant qu’il passe la porte du séjour, elle l’appela.
— Ça y est, je me souviens !
— De quoi ?
— Du nom du village. Il s’appelle Rennes-le-Château.
Antoine sortit et tira la porte vers lui. Il descendit les escaliers, songeur, l’esprit en ébullition. Tout se bousculait dans sa tête. Le curé richissime, l’Occupation, cette histoire de confrérie qui faisait peur au père, le dessin et l’église. Il avait mal à la tête. Sa montre indiquait 19 h 30. Il lui restait à peine une demi-heure pour se rendre à la tenue. Il poussa la porte de l’immeuble et laissa passer une jeune femme blonde qui entrait. Elle portait un bébé dans un sac ventral et paraissait essoufflée. Antoine détailla ses courbes fines le temps que la porte se referme et arriva sur le trottoir. Il avait juste le temps de repasser à l’hôtel et de se changer. Il héla un taxi et articula dans le meilleur anglais possible le nom de l’hôtel et l’adresse. La berline démarra dans un souffle. Des nuages sombres obscurcissaient le croissant de lune.
La jeune femme finit de monter les deux étages et sonna trois fois à la porte. Elle attendit quelques instants et sonna de nouveau. Une voix résonna en hébreu derrière la porte. Kyria se mit à hurler.
— Help me. My baby. Please .
Hannah Lévy ne comprenait pas ce que cette femme voulait. Elle regarda à travers l’œilleton. La sonnerie résonna une fois de plus. Elle ouvrit, persuadée qu’il y avait un problème. Souvent les voisins venaient la voir pour lui demander du sel ou un accessoire de cuisine. C’était peut-être une nouvelle habitante. La mère caressait la tête de son bébé emmailloté et demanda d’une voix plaintive :
— Avez-vous du lait pour mon enfant ? Pour l’amour du ciel…
Hannah restait figée sur le pas de la porte. Cette femme lui parlait en français, invoquait Dieu pour lui demander du lait. Ça n’avait pas de sens.
— Euh… non. Je…
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase. D’un coup la jeune femme la poussa dans le couloir de l’appartement. Hannah vacilla et s’accrocha au buffet de l’entrée. Kyria la frappa en plein visage.
— C’est pourtant pas compliqué, la vioc ! Je veux du lait. Tu ne vas pas laisser mon bébé mourir de faim ?
— Vous êtes folle… droguée !
Sans ciller, Kyria la frappa encore. Hannah s’écroula au sol. Dans la chute, son épaule percuta l’angle droit du meuble, une douleur vive lui cisailla le haut de la clavicule. Elle essaya de se relever et vit son agresseur qui la contemplait d’un air moqueur.
— Pas la peine de me regarder avec ces yeux de chien battu, la pitié, je sais pas ce que c’est. Regarde !
Comme si c’était un vulgaire sac, elle prit son bébé par la tête, le sortit du sac ventral et le jeta à côté d’Hannah qui vit, horrifiée, la tête de l’enfant cogner contre le parquet. Ses gros yeux bleus la regardaient avec fixité. Hannah voulut lui porter secours : elle tendit le bras pour l’attraper et agrippa la barboteuse brodée. Elle finit par l’attirer contre sa tête et sentit quelque chose de dur sous ses doigts. Hannah réalisa soudain que c’était un poupon en plastique. Kyria ricana.
— Bébé va faire dodo pendant que maman va s’occuper de la mamie juive.
Elle se baissa vers la vieille dame et d’un geste sec attrapa ses cheveux de neige. Hannah hurla de douleur. Lentement, la blonde la traîna vers le salon. Hannah tentait désespérément de s’accrocher aux pieds des meubles. La tortionnaire continua de tirer sa victime sans se soucier de ses cris. Comme si c’était un fétu de paille, elle la plaqua contre le canapé.
— Heureusement que tu ne portes pas de perruque. J’aurais eu l’air fine, dit-elle en se débarrassant des maigres touffes de cheveux accrochées à ses doigts.
Hannah essayait de reprendre son souffle, mais la douleur gagnait tout son corps : sa vue se brouillait,
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