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Au bord de la rivière T4 - Constant

Au bord de la rivière T4 - Constant

Titel: Au bord de la rivière T4 - Constant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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convainquirent les habitants de Saint-Bernard-Abbé que l’hiver était définitivement installé dans la région. Les femmes parlaient déjà de la collecte de la guignolée et les hommes passaient les journées sur leur terre à bois à bûcher jusqu’au coucher du soleil qui disparaissait de plus en plus tôt.
    Constant Aubé était le seul qui échappait à la règle parce que beaucoup de ses clients lui payaient ses services de meunier et de cordonnier en bois de chauffage. Sa toux malsaine avait progressivement disparu et le jeune homme avait fait en sorte de remercier la mère de son amie de cœur en lui confectionnant une paire de bottes grâce à la complicité de Bernadette. Évidemment, Marie voulut refuser le cadeau, mais il ne l’entendit pas de cette oreille et la veuve de Baptiste Beauchemin dut accepter.

    Le samedi suivant, l’amoureux trouva à Bernadette une mine bien sombre quand il vint veiller avec elle.
    — Qu’est-ce qui se passe ? lui demanda-t-il en prenant place sur le vieux canapé du salon rembourré avec du crin.
    — Je suis enragée depuis hier après-midi, répondit-elle après une hésitation.
    — Pourquoi ?
    — Octave Jutras ! dit-elle les dents serrées en nommant l’un de ses élèves âgé de treize ans particulièrement détestable.
    — Qu’est-ce qu’il a encore fait ? fit-il en se souvenant qu’à deux ou trois reprises, la semaine précédente, elle s’était plainte de la conduite de l’adolescent.
    — Tu me croiras peut-être pas, reprit-elle. Il m’a crié que j’étais une maudite folle en sortant de l’école hier midi.
    — J’espère que t’endureras pas ça, dit Constant, fâché qu’on lui ait manqué de respect à ce point.
    — Il en est pas question. J’ai dit à sa sœur Émilienne que son frère ne rentrerait pas dans ma classe avant que j’aie rencontré sa mère ou son père. Elle est supposée faire la commission.
    — T’as bien fait, l’approuva son amoureux.
    — Si cette espèce d’effronté vient pas s’excuser, il restera à la maison, déclara l’institutrice d’une voix décidée.
    — Comment ça se fait que tu te sers pas de ton martinet ? lui demanda Constant.
    — Ça fait trois ans que je fais la classe et je m’en suis jamais servie. Moi, battre un élève, je suis pas capable, déclara-t-elle. Le martinet est au fond de l’armoire et si ça dépend juste de moi, il en sortira pas tant que je vais faire l’école.
    — T’es peut-être trop douce avec un effronté comme le petit Jutras.
    Le lundi suivant, Émilienne et Octave Jutras brillaient par leur absence en classe, ce qui inquiéta tout de même Bernadette. À la fin de la matinée, elle vit un berlot s’arrêter devant l’école au moment où elle donnait à ses élèves le signal d’aller dîner. Près des deux tiers d’entre eux sortirent leur casse-croûte de leur bureau tandis que les autres s’habillaient rapidement pour se rendre à la maison.
    Assise derrière son bureau, l’institutrice aperçut une petite femme aussi large que haute descendre du berlot en compagnie d’Émilienne et d’Octave Jutras et, les lèvres serrées, se dirigea vers la porte, prête à l’affrontement.
    — Je suis Amanda Jutras, déclara la femme en poussant devant elle ses deux enfants. Ma fille m’a dit à matin que vous vouliez me voir.
    — Émilienne vous a pas dit pourquoi ? lui demanda Bernadette en refermant la porte derrière Octave qui dépassait sa mère de près d’une tête.
    — Je sais que c’est à propos de mon garçon, mais il y a pas eu moyen de le lui faire dire.
    — Moi, je vais vous le dire, madame Jutras, fit l’institutrice en adressant un regard mauvais à l’adolescent.
    Le silence tomba sur la classe où une dizaine d’enfants mangeaient. Devant l’air buté de l’adolescent, elle retrouva sa colère du vendredi précédent intacte.
    — Savez-vous ce que votre Octave a eu l’impolitesse de me dire en quittant l’école, vendredi dernier ?
    — Non.
    — Il m’a crié que j’étais « une maudite folle », madame, avant de se sauver. Évidemment, je ne peux pas accepter ça, conclut l’institutrice.
    — Est-ce que c’est vrai, ce que mademoiselle Beauchemin vient de me dire ? demanda Amanda Jutras en se tournant tout d’une pièce vers son fils.
    L’adolescent baissa la tête, mais ne répondit pas. Sa mère l’attrapa par le devant de son gros manteau en drap et le gifla tellement fort

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