Au bord de la rivière T4 - Constant
bottine.
— Qu’est-ce qu’il a ? intervint Bernadette, la mine soudain soucieuse.
— D’après son homme engagé, une fluxion de poitrine. En tout cas, il est au lit depuis hier et il a pas l’air de se soigner.
Le silence tomba dans la grande cuisine de la maison en pierre.
— Tu vas aller chercher Constant Aubé et me le ramener ici dedans, déclara Marie sur un ton décidé après un instant de réflexion.
— Mais, madame Beauchemin, voulut protester Eugénie.
— Il y a pas de mais. Ce garçon-là a jamais arrêté de nous rendre service depuis qu’on le connaît. Le moins qu’on puisse faire, c’est de l’aider quand il est malade.
— Est-ce que je peux aller le chercher avec Donat ? demanda Bernadette, sans trop croire que la permission lui serait accordée.
— Vas-y, mais brettez pas en chemin, commanda la maîtresse de maison. S’il a une fluxion de poitrine, c’est pas le temps de traîner dehors.
Donat alla atteler le Blond à la sleigh et quitta la maison peu après en compagnie de sa sœur.
— Seigneur ! madame Beauchemin, je vous reconnais plus, osa dire Eugénie à sa belle-mère. J’aurais jamais cru que vous permettriez à Bedette d’y aller.
— Ma fille, c’est peut-être la meilleure occasion que ces deux-là se remettent à se fréquenter.
L’épouse de Donat venait de comprendre et ne put qu’acquiescer.
Quelques minutes plus tard, Donat et Bernadette frappèrent à la porte du meunier et Théodore vint leur ouvrir.
— Il est encore couché et il fait de la fièvre sans bon sens, déclara-t-il aux visiteurs. Il raconte toutes sortes d’affaires qui ont pas d’allure.
— Où est-ce qu’il est ? lui demanda la jeune fille.
— Dans la chambre, à côté.
Sans plus attendre, Bernadette prit l’une des deux lampes à huile qui éclairaient la cuisine. Elle se dirigea vers la pièce voisine et en ouvrit la porte. Elle découvrit Constant, le visage blafard et tremblant de fièvre malgré plusieurs courtepointes qui le couvraient. Elle s’avança et posa une main sur son front, ce qui eut pour effet de faire ouvrir les yeux du malade.
— Qu’est-ce que vous faites là ? demanda-t-il dans un râle en apercevant Donat qui entrait à son tour dans sa chambre. Si c’est pour la veillée au corps, vous êtes un peu en avance, ajouta-t-il en tentant de se lever.
— Reste couché, lui ordonna Bernadette, bouleversée de le voir aussi malade. Tu t’en viens chez nous. Ma mère a décidé de te soigner.
— Je peux me soigner tout seul, répliqua Constant d’une voix faible en se laissant retomber sur son oreiller.
— Ça a pas trop l’air de te réussir, intervint posément Donat. T’es mieux de t’en venir chez nous.
Constant n’eut pas la force d’opposer une plus grande résistance. Il se laissa enrouler dans plusieurs couvertures par Donat et Théodore et, en quelques minutes, il se retrouva assis dans la sleigh aux côtés de Bernadette.
Dès l’arrivée de Constant chez les Beauchemin, Marie prit les choses en main. Le malade fut installé dans la chambre occupée auparavant par Ernest, l’homme engagé qui avait été remercié depuis le retour de Hubert.
— Va me chercher de l’eau de Pâques et de l’alcool, ordonna-t-elle à sa fille qui venait de déposer sur Constant une quatrième couverture. On va d’abord faire tomber sa fièvre. Dis à Eugénie de me préparer des mouches de moutarde.
Quand Bernadette revint avec ce que sa mère lui avait demandé, Marie sentit le besoin de mettre les choses au point après l’avoir attirée hors de la chambre.
— Écoute-moi bien, Bedette, lui dit-elle, l’air sévère, il est pas question que tu te retrouves toute seule avec lui dans sa chambre. Tu m’entends ?
— Mais il est malade, m’man, protesta l’institutrice.
— Il est malade, mais il est pas mort, répliqua sèchement sa mère. Un homme reste un homme. Pense à ta réputation. Si t’as à venir toute seule dans sa chambre, tu vas me faire le plaisir de laisser la porte ouverte. Ce sera plus convenable. À cette heure, va me chercher les mouches de moutarde en bas.
Il fallut près de trois jours avant que les Beauchemin constatent une amélioration de l’état de santé du patient. Si sa fièvre baissa graduellement, des quintes d’une vilaine toux rauque semblaient l’épuiser.
Pour sa part, Bernadette attendait maintenant avec impatience la fin de sa journée d’enseignement pour
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