Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au bord de la rivière T4 - Constant

Au bord de la rivière T4 - Constant

Titel: Au bord de la rivière T4 - Constant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
Vom Netzwerk:
Letendre avait ajouté à l’inquiétude de tous, mais on feignit de n’y voir aucun mauvais présage. L’homme de loi vint lui rendre une brève visite un après-midi sans que rien en révèle l’objet, bien que chacun se doutât qu’elle avait tenu à rédiger son testament.
    Hubert avait maintenant définitivement emménagé dans l’ancienne maison de Tancrède Bélanger. Après avoir blanchi les murs de la petite remise où il avait installé tout ce dont il avait besoin pour exercer son nouveau métier de fromager, il avait produit ses premières livres de fromage en grains et ses premières meules de fromage qu’il s’était empressé de faire goûter aux membres de sa famille, sans oublier Constant Aubé. Tous avaient été unanimes pour en vanter le bon goût et l’encourager à poursuivre. En cette période de l’année, son unique problème était de se procurer suffisamment de lait pour répondre à la demande.
    Chaque soir, il s’invitait à souper chez sa mère, officiellement pour s’informer de sa santé, mais plus encore pour avoir le plaisir d’échanger avec les siens. Peu à peu, sans qu’il s’en rende clairement compte, le jeune homme se sentait attiré par Célina Chapdelaine, tellement différente de la fille des Dionne.
    Dès les premiers jours de l’ouverture de la fromagerie, la rumeur circula rapidement à Saint-Bernard-Abbé que le fromage du fils de Baptiste Beauchemin valait le déplacement et que le fromager ne le vendait pas très cher. Les gens prirent bientôt l’habitude de s’arrêter à la fromagerie lorsqu’ils avaient affaire au magasin général situé de l’autre côté du pont. Hubert, généreux, leur permettait de prendre gratuitement une poignée de fromage en grains dans le bac où il le laissait s’égoutter tout en échangeant avec bonne humeur des nouvelles de la paroisse avec eux.
    En réalité, il n’y avait que les Dionne qui continuaient à lui battre froid. Angélique le recevait toujours les samedis et dimanches soirs, mais elle temporisait étrangement quand il abordait, même vaguement, leurs projets d’avenir. Quand il lui parlait de ses intentions de fabriquer de plus en plus de fromage pour aller en vendre à Sainte-Monique et à Saint-Zéphirin, cela ne semblait pas l’intéresser, pas plus que la santé de sa mère. Bref, il sentait que leurs fréquentations étaient au point mort et il ne savait comment réanimer la chaude affection qu’elle lui manifestait à l’automne.
    À la fin de la première semaine du mois de février, tout sembla basculer quand le marchand général vint visiter la fromagerie pour la première fois.
    — Je me suis décidé à traverser le pont pour voir de quoi avait l’air ton installation quand je me suis aperçu que tu te décidais pas à m’inviter, dit-il à l’amoureux de sa fille sur un ton acide.
    — Voyons, monsieur Dionne, vous saviez bien que vous étiez invités, vous et votre femme, n’importe quand. L’idée d’une fromagerie vient de vous. Tout le monde de Saint-Bernard le sait.
    Hubert lui fit faire le tour de la maison avant de l’entraîner dans la remise où il fabriquait son fromage qu’il fit goûter à celui qu’il considérait encore comme son futur beau-père.
    — Ouais, il est pas mal ! affirma le marchand général un peu à contrecœur en prenant une autre petite poignée de fromage en grains dans la cuve. Et c’est propre.
    Hubert le remercia de son appréciation.
    — Je suis certain qu’il y a de l’avenir là-dedans, monsieur Dionne.
    — Énerve-toi pas trop vite, mon garçon. Tu fais juste commencer. Tout dépend des dettes que tu t’es mises sur le dos.
    — Je suis capable de vendre tout le fromage que je fais et j’ai même pas commencé à faire des tournées autour, se défendit Hubert, agacé par son pessimisme persistant.
    — As-tu pensé qu’il y aurait un moyen ben plus facile de faire ton fromage sans avoir à t’inquiéter ?
    — Lequel, monsieur Dionne ?
    — Je pourrais peut-être te racheter ton affaire pour te rendre service et t’engager comme fromager. Comme ça, tu courrais plus le risque de te retrouver dans le chemin du jour au lendemain et t’aurais des gages raisonnables chaque semaine.
    Hubert, interloqué, regarda le propriétaire du magasin général avant de lui demander, la gorge sèche :
    — Et moi, là-dedans ?
    — Toi ? Je viens de te le dire. Tu serais le fromager, comme on avait convenu l’année

Weitere Kostenlose Bücher