Au bord de la rivière T4 - Constant
demanda le docteur à Liam tout en commençant à défaire l’écharpe dans laquelle Camille avait placé le bras de son mari.
— J’ai reçu un coup de pied d’une de mes vaches, se borna à expliquer le blessé en grimaçant de douleur.
Le médecin lui retira sa chemise avec prudence et le fit asseoir sur le lit d’examen installé au fond de la pièce. Il examina avec soin son patient avant de déclarer :
— Bon, on dirait bien que votre bras droit est cassé et, en plus, votre épaule gauche est démise. Là, je vais mettre votre bras brisé dans le plâtre et je vais replacer votre épaule après.
— Comment je vais faire pour travailler arrangé comme ça ? demanda Liam, incapable de cacher sa mauvaise humeur devant la malchance qui le frappait.
— Vous êtes pas le premier cultivateur à qui une affaire pareille arrive, dit le médecin pour le calmer. Pour votre bras droit, vous allez devoir garder votre plâtre une quarantaine de jours. Pour l’épaule démise, comptez une dizaine de jours avant de pouvoir vous servir sans trop souffrir de votre bras gauche. Madame, vous pouvez aller dans la salle d’attente, dit-il à Camille. J’en ai pour un petit bout de temps avec votre mari.
Camille se retira dans la pièce voisine assez exiguë où durant de longues minutes elle chercha à planifier mentalement comment elle allait pouvoir faire tout le travail de la ferme durant l’incapacité de son mari.
— C’est toute une malchance que ça arrive dans le temps où il y a le plus à faire, murmura-t-elle à mi-voix.
Par ailleurs, elle connaissait suffisamment son mari pour deviner qu’il allait être insupportable pendant tout le temps que durerait son inactivité forcée.
Un cri de douleur de son mari la tira brusquement de ses pensées. Le cri fut suivi par des murmures du docteur Samson.
Quand celui-ci ouvrit la porte qui séparait son bureau de la salle d’attente, ce fut pour laisser passer un Liam Connolly au teint blafard dont les deux bras étaient en écharpe. L’un d’eux portait un plâtre plutôt encombrant.
— Vous allez attendre au moins un quart d’heure pour que le plâtre finisse de sécher, ordonna-t-il au couple. Tout devrait bien aller. Dans un mois, un mois et demi, vous viendrez me voir pour que je l’enlève.
Au moment où Liam se laissait tomber sur une chaise, Camille se leva.
— Est-ce que je peux vous dire deux mots, docteur ? lui demanda-t-elle.
— Passez dans mon bureau, madame, se contenta de répondre le médecin en jetant un coup d’œil à sa montre de gousset.
Dès que la porte se fut refermée derrière eux, Eugène Samson ne put s’empêcher de dire à la jeune femme :
— Je vois, madame, que Liam Connolly a suivi le conseil que je lui ai donné l’été passé quand vous êtes venus tous les deux avec sa petite fille.
— Quel conseil ? fit Camille, étonnée.
— Je lui ai conseillé de vous marier au plus vite avant qu’un autre le fasse à sa place.
— Je sais pas, docteur, si c’était un si bon conseil que ça… ne put-elle s’empêcher de dire, en tout cas pour moi. J’ai beau faire tout mon possible pour ses enfants et pour lui, on dirait qu’il est jamais satisfait.
— Je vois ce que vous voulez dire.
— Mais c’est pas pour ça que je voulais vous parler, reprit Camille avec un pauvre sourire. Je pense être en famille et comme c’est mon premier, j’aimerais que vous me disiez si tout est correct.
Quelques minutes suffirent au docteur Samson pour rassurer la jeune femme.
— Tout m’a l’air en ordre, déclara-t-il après l’avoir invitée à se rhabiller. Vous êtes une femme en bonne santé et tout devrait bien aller. Si je me fie à ce que vous m’avez dit, vous devriez l’avoir au début novembre.
Peu après, le couple remercia le médecin qui vint aider Liam à grimper dans le boghei. Camille reprit la route de Saint-Bernard-Abbé. L’air était immobile en ce début de soirée et, de temps à autre, un éclair zébrait le ciel où s’accumulaient de lourds nuages gris depuis le début de l’après-midi.
À mi-chemin entre les deux villages, les premières gouttes de pluie vinrent frapper les voyageurs. Camille immobilisa rapidement la voiture et s’empressa de protéger Liam avec la toile déposée au fond du boghei.
— Je vais crever de chaleur en-dessous de ça, se plaignit son mari.
— Je le sais, mais t’as pas le choix, sinon ton plâtre va être tout mouillé
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