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Au bord de la rivière T4 - Constant

Au bord de la rivière T4 - Constant

Titel: Au bord de la rivière T4 - Constant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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était en ordre.
    — Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il, inquiet, à sa femme.
    Elle renifla.
    — Va coucher la petite qu’on puisse parler sans la réveiller, lui conseilla-t-il, troublé par ce chagrin.
    Depuis leur mariage, Catherine s’était toujours montrée courageuse et d’un caractère enjoué. Elle quitta sa chaise et alla coucher sa fille. Il la regarda se déplacer avec des yeux qui exprimaient une énorme tendresse pour celle qui partageait sa dure vie de cultivateur et qui avait aussi su se faire accepter et aimer par sa famille, malgré son passé de fille-mère.
    Quelques instants plus tard, Catherine revint dans la cuisine et prit place dans la chaise berçante libre près de celle de son mari.
    — Est-ce que je vais finir par savoir pourquoi tu pleurais comme une Madeleine quand je suis entré ? lui demanda- t-il.
    — C’est ma mère, répondit-elle.
    — Qu’est-ce qu’elle a, ta mère ?
    — Après ton départ, j’ai décidé d’aller passer un bout de soirée avec elle. Quand je suis arrivée, c’est Marie-Rose qui est venue m’ouvrir. Elle m’a dit que ma mère était dans sa chambre et qu’elle devait se préparer à se coucher. J’ai trouvé bizarre qu’elle se couche aussi de bonne heure. À sept heures, on couche les enfants, pas les adultes. Je suis allée frapper à la porte de sa chambre et je l’ai trouvée en train de pleurer. Elle serrait contre elle son bras droit enroulé dans une serviette mouillée.
    — Puis ?
    — Cyprien a encore essayé de l’obliger à se donner à lui et il lui a fait mal en la secouant. Elle avait un gros bleu au bras.
    Ce comportement de Cyprien Benoît ne le surprit pas. Il était une brute épaisse au cou de taureau et au caractère particulièrement déplaisant. Xavier Beauchemin n’aurait pu rêver d’un voisin plus désagréable et il l’avait même menacé, un an et demi auparavant, de lui donner une sévère raclée quand il l’avait vu malmener Catherine. Inutile de dire que les deux beaux-frères ne se fréquentaient pas tant ils se haïssaient. Sans trop le montrer, le fils de Laura Benoît craignait Xavier dont la stature et la force lui en imposaient.
    Bref, seule Laura parcourait les quelques arpents séparant les deux fermes plusieurs fois par semaine pour aller rendre visite à sa fille et à son gendre et embrasser sa petite-fille.
    L’épouse de Cyprien Benoît, Marie-Rose, était une petite femme au strict chignon noir dont le caractère était de plus en plus amer parce qu’elle ne parvenait pas à enfanter. Jalouse de sa belle-sœur déjà enceinte d’un second enfant, elle poussait son mari à forcer sa mère à se donner à lui depuis la mort de Léopold Benoît.
    — Ce serait normal, la mère, répétait-il souvent à celle qui lui avait donné le jour. C’est moi qui cultive cette terre-là. Vous arriveriez à rien si j’étais pas là. Calvaire, ici dedans, je suis comme un homme engagé qui a jamais eu de salaire ! Il y a tout de même des limites à ambitionner sur moi. Ayez pas peur, Marie-Rose et moi, on vous traiterait ben. Vous manqueriez de rien.
    — J’ai même pas cinquante ans, répliquait chaque fois sa mère. Je suis encore trop jeune pour faire ça. On en reparlera plus tard.
    Il fallait croire que ce soir-là, le cultivateur avait perdu patience et avait sérieusement malmené sa mère.
    — Ah ben, blasphème ! s’exclama le fils de Baptiste Beauchemin. J’aurai tout vu. Le v’là à cette heure qu’il bardasse sa mère, l’écœurant ! On peut pas laisser faire ça !
    — Ça me fait mal au cœur juste d’y penser, avoua Catherine en se remettant à pleurer.
    Xavier se tut un long moment et on n’entendit plus que le tic-tac de l’horloge dans la cuisine.
    — Qu’est-ce que tu dirais si on allait chercher ta mère à côté demain après-midi ? demanda le jeune homme à son épouse en posant une main sur l’une des siennes. Elle pourrait s’installer dans une des chambres en haut.
    — Pour combien de temps ?
    — Le temps qu’elle voudra, fit-il sur un ton décidé. Si elle veut rester tout le temps avec nous autres, elle pourra le faire. Ça me fait pas peur pantoute. Elle est déjà venue passer une couple de jours ici et on s’entend ben.
    — Et mon frère ?
    — Lui, je vais lui dire deux mots entre quat’z’yeux, promit-il, l’air mauvais.
    Sur ces mots, Xavier se leva, jeta deux bûches dans le poêle et remonta le mécanisme de

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