Au bord de la rivière T4 - Constant
l’horloge pendant que sa femme s’emparait de la lampe à huile et se dirigeait vers leur chambre à coucher.
Le lendemain, à la fin de la matinée, un ciel gris chargé de gros nuages noirs et menaçants accueillit Xavier et Antonin, prêts à se rendre à la petite cabane à sucre construite deux ans auparavant.
— J’ai peur que ça ait pas coulé ben gros depuis hier, dit Antonin en chaussant ses raquettes au moment où ils pénétraient dans le bois. Ça a pas gelé cette nuit.
— On va ben voir, répliqua Xavier en l’imitant.
De fait, l’eau d’érable n’avait pratiquement pas coulé et les deux hommes rentrèrent à la maison quelques minutes avant que des bruits assourdissants d’explosion leur apprennent que les glaces venaient de commencer à céder sur la Nicolet. La pluie se mit à tomber et ils s’empressèrent d’entrer dans la maison.
Après avoir jeté un coup d’œil à l’horloge, Xavier demanda à son homme engagé d’aller atteler la sleigh .
— Est-ce que tu veux aller voir comment les glaces descendent proche du pont ? demanda Antonin.
— Non, il mouille pas mal, mais je dois aller chercher ma belle-mère à côté.
Son employé et ami ne posa aucune autre question. Il sortit et se dirigea vers l’écurie. Quand il revint en conduisant le cheval par le mors, Xavier demanda à sa femme si elle voulait l’accompagner pour aller chercher sa mère à la ferme voisine. Elle s’empressa d’endosser son manteau et confia Constance à Antonin.
Peu après, Cyprien, le visage fermé, vint ouvrir la porte avec une certaine réticence au couple de visiteurs. Il leur fit signe d’entrer, mais sans les saluer alors que la maîtresse des lieux s’avançait déjà vers eux pour leur souhaiter la bienvenue.
— Pourquoi vous avez pas amené la petite ? demanda Laura à sa fille et à son gendre.
— Parce qu’on avait des affaires plus importantes à régler avec vous, madame Benoît, lui répondit Xavier, l’air sérieux.
Marie-Rose n’avait pas quitté le banc sur lequel elle était assise et elle avait à peine levé la tête à l’entrée de sa belle-sœur et de son beau-frère. Quand Laura Benoît lui avait appris peu après le jour de l’An que Catherine attendait un deuxième enfant, elle s’était montrée encore plus amère.
— La vie est bien mal faite, belle-mère, avait-elle laissé tomber. Les femmes malhonnêtes ont toutes les chances pendant que les autres endurent, avait-elle ajouté sans la moindre retenue.
Bien sûr, elle faisait allusion à Constance, l’enfant illégitime que Catherine avait eue en dehors des liens du mariage.
— C’est quoi ces affaires importantes là ? osa demander Cyprien, l’air faraud, en se campant au centre de la pièce.
— Ça te regarde pas pantoute, lui répondit abruptement son beau-frère. Ça regarde ta mère et c’est à elle que je parle.
— Tu viendras pas faire la loi dans ma maison ! s’écria le fils de Laura Benoît, furieux, en serrant les poings.
— Si je me trompe pas, c’est pas ta maison, mais celle de ta mère… répliqua calmement Xavier.
Puis il tourna carrément le dos à son beau-frère pour s’adresser à la mère de Catherine et Cyprien.
— Madame Benoît, Catherine et moi, on n’aime pas bien la façon que vous êtes traitée ici. Votre fille et moi, on pense que vous seriez mieux chez nous. Nous autres, on vous brassera pas.
La mère de famille regarda tour à tour sa fille et son gendre. Leur proposition la prenait au dépourvu et elle garda un long silence.
— Toi, Beauchemin, tu te mêles encore de ce qui te regarde pas, déclara sèchement Marie-Rose en quittant son banc pour se rapprocher de son mari.
Xavier ne tint aucun compte de son intervention, attendant patiemment la réponse de sa belle-mère. Par ailleurs, le fils et la bru de celle-ci semblaient soudainement espérer que Laura Benoît parte et leur laisse tout, mais ils ne disaient rien.
— On n’a qu’à aller ramasser vos affaires dans votre chambre, m’man, intervint Catherine, et dans dix minutes, vous pourriez être installée chez nous, tranquille.
Ces dernières paroles parurent décider sa mère. Elle se leva et prit la direction de l’escalier qui menait à l’étage. Sa fille, heureuse, la suivit.
Xavier, seul face à Cyprien et Marie-Rose, surprit le petit sourire de contentement apparu sur leur visage.
— Faites-vous pas trop d’illusions, tous les deux. La maison
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