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Au bord de la rivière T4 - Constant

Au bord de la rivière T4 - Constant

Titel: Au bord de la rivière T4 - Constant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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interroger les élèves pour vérifier les progrès qu’ils avaient faits. Naturellement, il réserva ses questions les plus difficiles à Ann qui fit honneur à son institutrice en donnant sans hésitation des réponses justes. L’adolescente n’eut toutefois droit à aucunes félicitations du vieil homme rancunier.
    Quand l’heure de libérer les enfants arriva, Charlemagne Ménard les laissa rentrer à la maison sans leur donner le reste de la journée de congé qu’un inspecteur satisfait accordait habituellement, constata Bernadette avec une certaine amertume.
    — Mes élèves méritaient pas un congé ? osa-t-elle lui demander en surmontant sa timidité.
    — Non, répondit-il sèchement en s’emparant de son registre pour le scruter avec soin, à la recherche de la moindre erreur. Le congé de l’inspecteur est un privilège, pas un droit, mademoiselle.
    — Pourtant, ils ont bien répondu à toutes vos questions, s’entêta-t-elle.
    — Ils auraient pu faire mieux, se borna-t-il à dire.
    Elle se tut, mécontente. Elle se rappela soudain avoir vu passer des petits Irlandais au milieu d’un après-midi de la semaine précédente et elle en déduisit que ce jour-là l’inspecteur avait rendu visite à l’école d’Angélique Dionne, dans le rang Saint-Paul, et qu’il avait donné congé à ses élèves.
    Il ne trouva rien à reprocher à la tenue du registre. Il finit par endosser son manteau, le visage toujours aussi impénétrable, et il la quitta après l’avoir saluée sèchement.
    — Toi, l’année prochaine, je serai pas obligée de t’endurer, dit-elle à voix haute après avoir refermé la porte derrière lui.
    Puis, elle chassa de ses pensées cette visite désagréable pour songer à ses fiançailles prochaines avec Constant dans une douzaine de jours. Depuis que le meunier avait demandé sa main à sa mère au jour de l’An, la jeune femme n’avait plus eu aucun doute sur son choix, contrairement à l’année précédente. Constant était vraiment l’homme qu’elle aimait. Il lui restait cependant à régler l’organisation du repas des fiançailles.
    Avec Eugénie comme maîtresse de maison, recevoir toute la famille allait probablement prendre des proportions de fin du monde. Depuis le départ de Célina, l’épouse de Donat semblait être dépassée par la moindre tâche. Elle comprenait mieux maintenant pourquoi sa pauvre mère houspillait sans cesse sa belle-sœur, mais elle n’était plus là pour lui pousser dans le dos du matin au soir. Une chance que les classes allaient prendre fin le mercredi suivant, ce qui lui donnerait la chance de mettre la main à la pâte.

    Par ailleurs, les cultivateurs de Saint-Bernard-Abbé affichaient une excellente humeur depuis deux semaines parce que le soleil était au rendez-vous pratiquement chaque jour et le gel revenait la nuit, ce qui était idéal pour la récolte de l’eau d’érable. Cependant, le niveau de la neige avait tellement baissé qu’on pouvait voir d’immenses plaques de terre dans les champs. Les fossés, le long des routes étroites, débordaient, rendant les déplacements de plus en plus difficiles.
    Comme chaque printemps, on s’inquiétait surtout du niveau de la rivière dont les glaces allaient finir par lâcher un jour ou l’autre. Il avait tellement neigé cet hiver-là qu’on craignait un embâcle important capable d’engendrer des inondations ou, pire, des dégâts irréparables aux moulins de Constant Aubé et de Thomas Hyland, situés de part et d’autre de la rivière.
    — On est habitués à des routes défoncées chaque printemps et chaque automne, déclara le maire lors de l’une des rares réunions du conseil municipal, mais s’il fallait que les glaces emportent le pont comme c’est arrivé il y a quelques années, on serait mal pris.
    — En tout cas, moi, je serai pas capable de faire des réparations à mon moulin comme l’année passée, déclara Constant.
    — Il y a rien qui dit que les glaces vont nous faire du dommage chaque année, intervint Hormidas Meilleur. De toute façon, je dirais qu’elles vont partir avant la fin de la semaine, prédit-il en coiffant son chapeau melon.
    Lorsque Xavier Beauchemin rentra chez lui après avoir assisté à la réunion, il trouva Catherine en larmes, en train de bercer Constance habillée pour la nuit. Son homme engagé, Antonin, était déjà monté se coucher après avoir fait le tour des bâtiments pour s’assurer que tout

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