Au bord de la rivière T4 - Constant
dirait bien que tu tiens pas pantoute à voir partir notre Célina.
Donat, Bernadette et sœur Saint-Jean, présents dans la pièce, attendirent la suite.
— Ben, pour dire la vérité, reprit un Hubert rougissant, je venais de demander à Célina si je pouvais la fréquenter.
— Et ta mère avait accepté ?
— Oui, ma tante. Elle l’aimait beaucoup.
— C’est correct, accepta la religieuse, mais il va falloir savoir où elle va rester et obtenir la permission de notre mère supérieure. C’est pas moi qui vais décider, c’est elle. En attendant, elle va rester ici pour donner un coup de main à Eugénie, à moins qu’elle aime mieux rentrer à l’orphelinat avec nous autres cet après-midi.
Célina préféra demeurer à Saint-Bernard-Abbé, et la corvée d’aller reconduire les deux religieuses à Sorel l’après-midi même revint à Donat.
— Repars pas tout de suite, lui ordonna sa tante après lui avoir demandé de transporter sa valise dans l’entrée de l’orphelinat, on va aller voir immédiatement notre mère supérieure pour savoir ce qu’elle décide pour Célina.
Son neveu suivit les deux religieuses un peu à contrecœur, impatient de rentrer à Saint-Bernard-Abbé.
Sœur Marie du Rosaire ne lui laissa pas la chance d’exposer le problème de l’orpheline. Elle s’en chargea dès qu’on les fit entrer dans le bureau de la supérieure. Celle-ci écouta attentivement les explications de sa consœur et trancha rapidement en faveur d’Emma. Le fait qu’elle ait déjà trois enfants, dont une lourdement handicapée, pesa beaucoup dans la balance. Sur le chemin du retour, le jeune cultivateur se demanda comment sa femme allait prendre la nouvelle. Tout laissait croire qu’elle comptait énormément sur l’orpheline pour l’aider.
— Elle se débrouillera comme toutes les autres femmes de la paroisse, finit-il par dire à haute voix au moment où son attelage entrait dans la cour de la ferme.
Ce soir-là, Emma Lafond accueillit Célina et ses maigres bagages avec une certaine surprise. Lorsqu’elle avait mentionné qu’elle la prendrait bien chez elle pour l’aider, c’était plutôt une boutade. Toutefois, elle n’était pas sans savoir que la jeune fille allait lui apporter une aide précieuse. De plus, Hubert, son voisin immédiat, allait lui être reconnaissant de faciliter ses fréquentations.
— On va peut-être être tassés, chuchota-t-elle à Rémi en se mettant au lit, mais ça va valoir la peine. Les enfants vont l’aimer.
— Et ton frère aussi, plaisanta Rémi.
Plus loin dans le rang, Eugénie avait impatiemment attendu le départ de l’orpheline pour laisser éclater sa frustration.
— C’est pas juste pantoute, cette affaire-là, déclara- t-elle. Ta sœur vient de me voler la seule aide que j’avais ici dedans.
— Je te rappelle que cette fille-là était dans la maison pour soigner ma mère, pas pour faire ton ouvrage, tint à lui préciser son mari.
— C’est ça, prends pour ta sœur, rétorqua-t-elle abruptement.
— Si t’avais moins exagéré en lui faisant faire presque toute ta besogne, personne s’en serait mêlé et elle serait encore dans la maison.
— J’ai jamais exagéré, tu sauras, répliqua-t-elle. Je suis épuisée ! On dirait que t’es pas capable de comprendre ça.
— Épuisée par quoi, torrieu ? Alexis est correct et t’as juste l’ordinaire à faire. Qu’est-ce que tu ferais si t’avais une douzaine d’enfants comme ben des femmes de Saint-Bernard ? Ce qui a l’air de t’épuiser le plus, c’est de passer ton temps à te lamenter pour rien. Secoue-toi un peu !
Sur ces mots, Donat s’enferma dans un lourd mutisme, refusant de poursuivre cette discussion stérile.
Chapitre 24
Des surprises
Deux semaines passèrent avant qu’Hormidas Meilleur laisse une lettre chez Donat Beauchemin. Comme Bernadette était la seule qui savait lire dans la maison, ce dernier dut attendre son retour de l’école, cet après-midi-là, pour prendre connaissance du contenu de la missive.
Le notaire Letendre annonçait son désir de rencontrer les membres de la famille Beauchemin dans la matinée du samedi suivant pour la lecture du testament de leur mère.
Le jour suivant, le petit homme à la tenue toujours aussi soignée se présenta à la maison du rang Saint-Jean et se retrouva en présence de Donat, Xavier, Hubert, Camille, Emma et Bernadette. Eugénie avait évidemment fait grise mine à
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