Au bord de la rivière T4 - Constant
vingtaine de minutes plus tard, il avait eu le temps d’administrer l’extrême-onction à la jeune femme et de dispenser des paroles consolatrices. Il quitta la maison des Beauchemin au moment où Xavier et Catherine arrivaient, suivis de près par Liam et Bernadette. Tous demeurèrent sur la galerie.
— Il est pas arrivé malheur à Eugénie, j’espère ? s’écria Bernadette, l’air alarmée.
— Non, la calma sa sœur Emma. On a juste demandé à monsieur le curé de venir comme précaution. Le docteur est pas encore arrivé.
— Mon Dieu que ça doit être dur de perdre un enfant, déclara Catherine à mi-voix. Comment Eugénie prend ça ?
— Je pense qu’elle s’en rend pas encore compte, dit Camille.
— Est-ce que monsieur le curé vous a dit qu’il voulait que le petit soit enterré cet après-midi ? intervint Liam.
— Oui, lui répondit sa femme.
— Je pense que le mieux que je peux faire, c’est d’aller lui fabriquer un petit cercueil, ajouta-t-il. Donat aura pas le goût de s’occuper de ça.
— T’as raison, l’approuva Xavier. Je vais vous laisser, dit-il à sa mère et à ses sœurs, et je vais aller donner un coup de main à Liam.
Le docteur Samson apparut à la fin de l’avant-midi. Il constata le décès de l’enfant et s’occupa de la mère. Celle-ci, réveillée depuis le passage du curé Désilets, refusait de croire à la mort de son bébé et ne cessait de le réclamer, malgré les paroles du prêtre.
— Tu dois te calmer et me laisser t’examiner, lui ordonna Eugène Samson en écartant le drap qui couvrait sa patiente. Tu dois être forte. Mais d’abord, on va ouvrir la fenêtre avant de mourir étouffés.
Il se dirigea vers l’unique fenêtre de la pièce et l’ouvrit. Pas le moindre souffle d’air ne pénétra dans la chambre.
Le médecin jugula rapidement la petite hémorragie dont souffrait Eugénie. Il l’ausculta et prit sa température avant de refermer sa trousse et d’inviter Donat à entrer dans la chambre. Dès qu’elle vit son mari, Eugénie se remit à réclamer son bébé.
Le docteur Samson retira son lorgnon et dut élever la voix pour ramener la mère à reprendre contact avec la réalité.
— Il faut cesser de se lamenter ! lui dit-il avec une certaine brusquerie. T’as perdu ton petit. C’est une épreuve difficile, certes, mais t’es pas la première à qui ça arrive et t’es pas la dernière non plus. C’est Dieu qui l’a voulu. À cette heure, tu vas te conduire comme une vraie mère. T’as un enfant qui compte sur toi. Tu vas arrêter de pleurnicher et te remettre tranquillement d’aplomb. Dis-toi qu’il y a deux enfants sur cinq qui se rendent pas à l’âge de deux ans…
Donat esquissa un geste pour intervenir, mais le médecin lui fit signe de garder le silence.
— Tu vas garder le lit une dizaine de jours pour refaire tes forces. T’as perdu pas mal de sang. Mange et repose-toi.
— Oui, docteur, fit Eugénie d’une toute petite voix.
— Dis-toi bien que t’es assez jeune pour avoir encore plusieurs enfants, conclut-il. Je passerai te voir dans une semaine pour être sûr que tout va bien.
Sur ces mots, le médecin quitta les lieux, laissant derrière lui un Donat désemparé en compagnie de sa mère, de Catherine et de ses sœurs.
— Comment on va l’enterrer ? demanda Donat d’une voix éteinte en montrant le bébé qu’Emma venait de déposer dans le petit berceau qui avait été préparé pour son arrivée quelques semaines plus tôt.
— Inquiète-toi pas pour ça, répondit Camille. Liam et Xavier sont allés faire un petit cercueil.
— On a pas mal de plumes à la maison, intervint Catherine, je pourrais en remplir un oreiller qu’on mettrait dans le cercueil.
— C’est une bonne idée, reconnut sa belle-mère. J’ai même un oreiller de plumes ici dans mon armoire. Il va servir à ça.
— En attendant, c’est l’heure de dîner, on va manger quelque chose, déclara Camille. On fait jamais rien de bien le ventre vide.
On dressa le couvert et on disposa sur la table des tomates, de la laitue, de la tête fromagée et du pain. Il faisait si chaud que personne n’avait envie d’un mets qui aurait nécessité qu’on allume le poêle. On se passa même de thé.
Au début de l’après-midi, Liam et Xavier revinrent, portant un petit cercueil en pin blanc au fond duquel Marie s’empressa de déposer un oreiller.
— Il est peut-être pas ben beau,
Weitere Kostenlose Bücher