Au bord de la rivière T4 - Constant

une fille.
    — Et ma femme ? s’enquit-il, les traits tirés par l’angoisse.
    — Tu vas te dépêcher d’aller chercher le docteur Samson, fit sa sœur. Dis-lui qu’elle a perdu pas mal de sang.
    — Et pour le petit ?
    — On va s’occuper du reste, déclara sa mère. Grouille-toi, ça presse.
    En sortant de la maison, Donat aperçut son beau-frère demeuré sur la galerie.
    — Je suis venu au cas où on aurait besoin de moi, fit Liam Connolly.
    — Tu tombes bien, dit sa femme en apparaissant derrière la porte moustiquaire. Eugénie a eu son petit, mais il est mort. Tu serais pas mal fin si t’allais prévenir monsieur le curé.
    — Demande-lui de venir donner l’extrême-onction à Eugénie et, en même temps, informe-toi pour savoir quand il va pouvoir célébrer la cérémonie des anges, dit sa belle-mère.
    — C’est correct, madame Beauchemin.
    — Est-ce que tu peux aller prévenir Emma et Xavier ? ajouta Marie.
    — Je m’en occupe, promit Liam.
    — Oublie pas de prendre Bernadette en passant, fit sa femme. Elle est à l’école.
    Camille regarda son mari monter dans son boghei, en proie au plus vif étonnement. Elle n’en revenait pas de voir son mari aussi plein de bonne volonté. Depuis son accident, il y avait des moments où il était méconnaissable et cela la remplissait d’aise. Bien sûr, il avait toujours son caractère colérique et ses rages soudaines qui lui faisaient perdre tout contrôle, mais il s’améliorait et cela la rassurait.
    Quand elle rentra dans la maison surchauffée, elle retrouva sa mère assise au chevet d’Eugénie, l’air malheureux. Le visage de l’épouse de Donat avait la blancheur du drap qui la couvrait. La jeune femme semblait dormir.
    — Tu peux pas savoir combien je m’en veux, murmura la veuve de Baptiste Beauchemin à sa fille. J’aurais dû me douter que son accouchement se passerait pas bien et j’aurais dû mieux la surveiller. Là, elle a accouché toute seule, comme une bête.
    — Mais c’était prévu juste dans trois semaines, lui rappela Camille. Vous avez pas à vous en vouloir. Vous pouviez pas deviner.
    — Je veux bien le croire, mais c’est pas une excuse.
    — Comment ça se fait que personne l’a entendue crier ? s’étonna la jeune femme.
    — Du fond de sa chambre, la fenêtre fermée… Moi, j’étais dans le carré de patates…
    — Il fait chaud à mourir, finit par dire Camille. On pourrait peut-être ouvrir un peu…
    — Il vaut mieux pas. Le docteur décidera.
    Quelques minutes plus tard, Emma vint rejoindre sa mère et sa sœur et elle se chargea d’Alexis qu’elle berça jusqu’à ce qu’il s’endorme. Elle venait à peine de le déposer dans son petit lit qu’on avait temporairement installé dans la cuisine d’hiver que les femmes présentes dans la maison entendirent la clochette agitée par Agénor Moreau.
    — C’est pas déjà monsieur le curé ? s’étonna Marie en quittant précipitamment le chevet de sa bru.
    — C’est lui, m’man, confirma Emma.
    Fidèle à la tradition, Agénor Moreau avait agité une clochette durant le trajet pour signifier aux gens croisés en chemin qu’un prêtre portait le dernier sacrement à un mourant.
    Josaphat Désilets, coiffé de sa barrette et vêtu de son surplis, descendit de voiture et pénétra dans la maison, porteur d’une petite trousse contenant les saintes huiles.
    — Mon Dieu, monsieur le curé, vous avez fait ça vite, lui dit Marie Beauchemin.
    — Votre gendre m’a arrêté au moment où j’allais voir une paroissienne malade dans Saint-Paul. Mon bedeau m’attendait déjà à la porte du presbytère.
    — Il est là, enveloppé sur la table, répondit Camille.
    — Est-ce qu’il a été ondoyé ?
    — Oui, monsieur le curé.
    — Dans ce cas-là, je pense que le mieux c’est de faire la cérémonie des anges dès deux heures, cet après-midi, déclara le prêtre. Il fait chaud et ça servirait à rien de laisser traîner les choses.
    Les trois femmes présentes hochèrent la tête en signe d’acceptation.
    — Bon, je demanderai à mon bedeau de creuser la fosse en revenant, tint à préciser Josaphat Désilets. Où est la mère ? demanda-t-il en prenant sa trousse.
    Emma le conduisit jusqu’à la porte de la chambre située au pied de l’escalier qui conduisait à l’étage. Le curé pénétra dans la pièce en prenant soin de refermer la porte derrière lui. Quand il sortit de la chambre une