Au bord de la rivière T4 - Constant

déclara Liam, mais on a fait ce qu’on a pu.
    — Il est parfait, déclara Donat, les yeux embués de larmes.
    — Je pense que le mieux est que vous sortiez tous sur la galerie, le temps qu’on le ferme, dit Xavier.
    — Les femmes vont sortir, fit Donat en rassemblant son courage. Le moins que je puisse faire, c’est d’être présent.
    Marie et Bernadette se dirigèrent vers la chambre occupée par Eugénie qui sommeillait, pendant que les autres sortaient sur la galerie et que les trois hommes plaçaient le petit corps dans le petit cercueil et en vissaient le couvercle.
    — Il est presque l’heure d’y aller, dit Donat, la gorge étreinte, en jetant un coup d’œil à l’horloge murale.
    Tous décidèrent d’assister à la cérémonie des anges et à l’inhumation, sauf Marie qui préféra demeurer à la maison pour prendre soin d’Alexis et d’Eugénie. Emma monta avec Bernadette et Donat, qui déposa à ses côtés le cercueil avant de mettre son boghei en marche. Sa voiture fut suivie par celles de Liam et de Xavier.
    L’air chaud et humide vibrait et les eaux grises de la rivière Nicolet que les trois bogheis longeaient semblaient figées. À leur arrivée près de la chapelle, après avoir monté la pente du rang Sainte-Ursule, les membres de la famille endeuillée découvrirent une demi-douzaine de personnes debout sur le parvis en train de les attendre.
    — Ça, c’est mon oncle qui a dû parler au magasin général, dit Liam à sa femme.
    Donat tint à porter lui-même le cercueil à l’intérieur de la chapelle où le curé Désilets attendait. Ce dernier indiqua au jeune père de déposer la bière sur la sainte table. Quand les gens eurent pris place dans les bancs, l’officiant entreprit la récitation des prières de la cérémonie des anges.
    Après avoir béni le petit disparu et les membres de sa famille, le maître de cérémonie invita tout le monde à le suivre dans le cimetière voisin. Agénor Moreau s’empressa de retirer sa casquette en toile en apercevant le petit groupe qui approchait de la fosse qu’il venait de creuser. Le bébé allait être le second occupant du lot dans lequel avait été seulement enterré son grand-père, Baptiste Beauchemin, un an et demi plus tôt.
    Il y eut quelques autres prières et beaucoup de larmes lorsque le cercueil fut descendu dans la fosse. Chacun y jeta une poignée de terre avant de se retirer. À la sortie du cimetière, Donat, encore sous le choc, tint à remercier tous ceux qui les avaient soutenus, sa femme et lui, puis il reprit la route du rang Saint-Jean.
     
     

Chapitre 9
Un orage extraordinaire
    En revenant du cimetière, Donat déposa au passage sa sœur Emma chez elle. Son beau-frère Rémi s’empressa de venir le réconforter, ce qu’il n’avait pu faire auparavant puisqu’il avait dû assurer la garde de ses trois enfants.
    — C’est pas humain de faire chaud comme ça ! se plaignit Bernadette quelques instants plus tard, s’éventant de son chapeau de paille qu’elle venait de retirer en pénétrant dans la cuisine d’été où sa mère était occupée à changer les langes d’Alexis.
    — Parle pas trop fort, lui ordonna Marie. Eugénie vient de s’endormir.
    Donat revint à la maison en compagnie d’Ernest après avoir dételé le Blond.
    — Tu te reposes un peu avant qu’on aille faire le train, dit-il à l’employé. On a de la misère à respirer, torrieu !
    Ernest Gingras, le visage toujours plein de tics, s’empressa de boire deux grands verres d’eau fraîche avant d’aller s’asseoir au bout de la galerie, à l’ombre.
    Il suffisait de jeter un coup d’œil vers le ciel pour se rendre compte que les lourds nuages noirs avaient continué à s’y accumuler depuis la fin de la matinée. Maintenant, toute la campagne environnante semblait écrasée par une sorte de torpeur. Même les insectes avaient cessé leurs stridulations agaçantes.
    — Pour moi, on va avoir droit à tout un orage quand ça va se mettre à tomber, prédit Donat à sa mère.
    — À ta place, j’attendrais pas trop tard pour aller soigner les animaux, lui conseilla Marie. Tu sais comme moi qu’il y a rien de plus dangereux que d’être dans les bâtiments quand le vent se lève.
    — Je reprends mon souffle, je me change et après ça, on va faire le train, répliqua son fils.
    Une heure plus tard, il quitta la maison en compagnie d’Ernest pour aller soigner les animaux. Pendant ce temps, Marie