Au bord de la rivière T4 - Constant
guetta le bruit des pas des religieuses déjà en train de monter l’escalier.
— Si je me rappelle bien, Donat et sa femme couchent dans la première chambre, déclara Mathilde Beauchemin à sœur Sainte-Anne. Pour la chambre à côté, je pense que c’est celle de leur homme engagé, ajouta-t-elle en ouvrant la porte sans la moindre gêne.
La religieuse eut un léger sursaut en apercevant sa nièce dormant à poings fermés dans son lit.
— Dis donc, la marmotte, s’écria-t-elle de sa voix de stentor, t’as pas honte de dormir et de laisser la visite attendre devant la porte ?
— Ma sœur, on pourrait peut-être la laisser dormir, suggéra timidement sa compagne.
Sœur Marie du Rosaire fit comme si elle ne l’avait pas entendue.
— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Bernadette en s’assoyant brusquement dans son lit, comme si on l’avait brutalement tirée du sommeil. Tiens ! ma tante, qu’est-ce que vous faites là ?
— J’attends que tu me dises ce qu’une jeunesse comme toi fait dans son lit en plein milieu de l’après-midi, répondit Mathilde toujours sans manifester le moindre embarras.
— Je garde Alexis et je prends soin d’Eugénie, fit sa nièce en se levant et en remettant un peu d’ordre dans sa tenue.
— Toute une gardienne ! Tu dormais comme une bûche.
— Tous les deux dorment, ma tante. Je pouvais me permettre de faire la même chose qu’eux autres.
— Bon, si c’est comme ça, tu serais pas mal fine d’aller nous préparer une bonne tasse de thé pendant qu’on s’installe chacune dans une chambre, déclara la visiteuse.
— Il y a juste une chambre de libre, ma tante, fit Bernadette en cachant mal sa satisfaction. Ma mère dort à cette heure dans la chambre à côté de la mienne. Elle a donné sa chambre en bas à Donat. Ernest, notre homme engagé, dort dans la chambre bleue. Il reste la chambre verte, en face de la chambre de ma mère. Vous pouvez vous installer toutes les deux là, mais vous allez peut-être vous trouver un peu tassées.
— Tu pourrais pas coucher cette semaine avec ta mère ? suggéra avec aplomb sœur Marie du Rosaire.
— Ma mère voudra jamais, s’empressa de répondre Bernadette. Elle est plus capable de dormir avec quelqu’un dans son lit. Bon, je vous laisse vous installer et je m’en vais préparer du thé.
La jeune femme quitta sa chambre, ouvrit la porte de la pièce verte au passage et se dépêcha de descendre au rez-de-chaussée. Évidemment, la voix de stentor de sa tante était parvenue à réveiller Alexis et Eugénie. Bernadette alla chercher le petit garçon et murmura à sa belle-sœur :
— Je pense que t’es mieux de faire semblant de continuer à dormir. C’est la sœur de mon père qui vient d’arriver. Si elle t’entend bouger, tu vas l’avoir sur les bras un bon bout de temps.
— Mon Dieu ! Il manquait plus qu’elle ! s’exclama l’épouse de Donat en prenant un air consterné.
Bernadette posa un doigt sur ses lèvres pour lui intimer de garder le silence et, l’enfant dans les bras, elle referma la porte de la chambre derrière elle. Elle déposa Alexis sur une couverture par terre, alluma le poêle à bois qu’on avait laissé s’éteindre après le dîner et mit le thé à bouillir. Quand elle se rendit compte que les religieuses ne descendaient pas encore, elle se mit à la préparation du souper en s’installant à peler les pommes de terre. Elle finissait son travail quand elles apparurent dans la cuisine.
— Le thé est prêt, annonça-t-elle aux visiteuses. On va aller le boire sur la galerie pour pas réveiller Eugénie.
Sœur Sainte-Anne prit Alexis dans ses bras et sortit sur la galerie, suivie par Mathilde et sa nièce.
— Ce que j’ai pas encore eu le temps de vous dire, ma tante, fit Bernadette, c’est qu’Eugénie a accouché avant terme cette semaine, mais son petit est mort en venant au monde.
— Pauvre femme ! s’exclama sœur Sainte-Anne.
— Comment elle a pris ça ? demanda sœur Marie du Rosaire.
— Bien mal, ma tante. On a tous trouvé ça dur. Ma mère et Donat ont de la misère à remonter la pente. Le petit a été enterré proche de p’pa et monsieur le curé a célébré la cérémonie des anges.
— Dieu envoie des épreuves à ceux qu’Il aime, dit platement Mathilde. Et comment va la petite infirme de ta sœur ? ajouta-t-elle sans la moindre délicatesse.
— Si vous appelez la petite Marthe comme ça
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