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Au bord de la rivière T4 - Constant

Au bord de la rivière T4 - Constant

Titel: Au bord de la rivière T4 - Constant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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curé Désilets en montant sur la galerie et en venant occuper la chaise voisine de celle de son hôte.
    — Avez-vous une raison spéciale pour venir me voir ? lui demanda Constant.
    — Ben, j’aimerais que tu me répares mes souliers qui sont pas mal maganés, répondit le visiteur en enlevant son soulier gauche pour le lui tendre.
    Le jeune cordonnier inspecta le soulier avec attention avant de décréter sans la moindre hésitation :
    — Ça me fait rien, monsieur le curé, mais ce soulier-là est fini. Le cuir qui reste est même pas suffisant pour que je puisse le réparer. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a pas mal servi, pas vrai ? Et je suppose que l’autre est pas en meilleur état ?
    — Là, t’as tout compris, avait répliqué Josaphat Désilets. On dirait que j’ai pas le choix, il va falloir que je dépense pour m’en faire faire une autre paire…
    De toute évidence, il s’attendait à ce que Constant Aubé lui offre une paire neuve gratuitement.
    — Il y a des dépenses que personne peut éviter, monsieur le curé, avait répliqué avec sérieux le cordonnier.
    — Ouais, et tu me demanderais combien pour cette besogne-là ? s’était enquis le prêtre, le visage fermé.
    — Il faut comprendre que je dois acheter la peau, la tanner, puis teindre le cuir, le découper et faire la paire de souliers ensuite.
    — Oui, oui, je comprends tout ça, avait fait Josaphat Désilets avec une apparente impatience, mais combien pour des souliers ?
    — Je dirais soixante-quinze cennes, monsieur le curé.
    — Tant que ça, même pour ton curé ! avait-il protesté, l’air horrifié par la dépense.
    — C’est le prix que je demande à tous les hommes pour une paire de souliers, avait rétorqué Constant sans se démonter. Mais si vous pouvez vous les faire faire par quelqu’un d’autre, vous êtes toujours libre d’aller le voir, avait-il conclu.
    — Et ça te prendrait combien de temps ?
    — Une journée. Demain soir, ils devraient être prêts.
    — Et t’est certain que tu peux pas me les faire à meilleur marché ? avait-il quémandé en s’humiliant un peu. Mon conseil va trouver ça pas mal cher, avait-il menti.
    — Non, monsieur le curé, avait répondu le cordonnier, mais si le conseil s’en mêle, vous pourriez lui suggérer de baisser ma dîme de soixante-quinze cennes cet automne et on serait quittes.
    Josaphat Désilets, à court d’arguments, avait finalement accepté que Constant prenne l’empreinte de ses pieds avant de se rechausser, et il avait quitté le jeune homme sur un dernier trait cinglant en montant dans son boghei.
    — J’y vais en te laissant réfléchir sur l’importance de la charité chrétienne, mon garçon.
    — Merci, monsieur le curé, avait rétorqué le jeune Aubé avec un sourire en coin. J’ai toujours entendu dire que charité bien ordonnée commence par soi-même.
    Quand la voiture du prêtre eut disparu dans un nuage de poussière soulevé sur la route, le jeune homme se promit de s’informer auprès de Donat s’il était exact que ce type de dépense devait être acquitté par le conseil. Il n’avait absolument pas digéré le fait d’avoir travaillé durant des dizaines d’heures le mois précédent à démonter et à réparer l’horloge brisée qu’il avait rapportée, tout fier, au presbytère. Tout ce travail ne lui avait valu qu’un mince merci prononcé du bout des lèvres.
    Après le souper, Constant attela son boghei et, avant de se rendre chez les Comtois, décida d’arrêter un instant dire deux mots à Donat pour en avoir le cœur net. Il arriva au moment même où le fils de Marie venait d’allumer sa pipe en prenant place dans sa chaise berçante, sur la galerie. Les femmes étaient encore à l’intérieur en train de ranger la cuisine.
    Donat quitta sa chaise et descendit à la rencontre du meunier pour s’enquérir de la raison de sa visite. Le bruit des voix finit par attirer Bernadette à l’une des fenêtres de la cuisine d’été. Immédiatement, elle défit les cordons de son tablier et se précipita vers le miroir pour vérifier l’ordonnance de son chignon.
    — Qu’est-ce que tu fais ? lui demanda sa mère en constatant que le rangement était loin d’être terminé.
    — J’en ai pour une minute, répondit la jeune femme d’une voix impatiente.
    À l’extérieur, Constant Aubé ne s’était pas donné la peine de descendre de voiture. Il s’était

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