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Au bord de la rivière T4 - Constant

Au bord de la rivière T4 - Constant

Titel: Au bord de la rivière T4 - Constant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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le rassurer. Je voulais juste te demander si t’aurais le temps de me faire une paire de bottines à la mode, comme t’en as fait pour mes deux belles-sœurs.
    Elle avait failli dire pour Laurence Comtois…
    — Ben sûr, répondit-il en se passant une main sur le front. Tu les veux noires, je suppose ?
    — Oui.
    — Pas de problème.
    — Si le cœur t’en dit, tu pourras passer à la maison en fin de semaine pour prendre mes mesures, ajouta-t-elle, aguichante.
    — Ce sera pas nécessaire, s’empressa-t-il de répondre. J’ai encore les empreintes de tes pieds quand je t’ai fait des bottes l’année passée. Ça me surprendrait pas mal que tes pieds aient allongé depuis ce temps-là.
    Bernadette eut du mal à dissimuler son dépit. Elle s’attendait à ce que son ancien cavalier saute sur l’occasion pour venir la visiter. Il lui fallut quelques instants avant de se reprendre pour lui demander :
    — Et tu vas me demander combien ?
    — D’habitude, c’est quatre-vingt-cinq cennes pour des bottines comme ça. Je charge dix cennes de plus à cause de tous les petits boutons que je dois coudre.
    — C’est correct, accepta-t-elle après une légère hésitation.
    Quatre-vingt-cinq cennes, c’était beaucoup d’argent.
    — Mais comme le cuir que je vais prendre vient de la vache tuée par la foudre chez vous, je vais te demander seulement soixante-quinze cennes, le même prix qu’une paire de souliers ordinaires.
    — T’es pas obligé de me faire la charité, lui dit-elle en se gourmant.
    — Je le sais, mais je peux pas te demander plus qu’à ton frère.
    — Quand penses-tu qu’elles vont être prêtes ?
    — La semaine prochaine.
    — Est-ce qu’il va falloir que je vienne les chercher ou tu vas venir me les porter ?
    — Je te les apporterai, promit-il.
    Elle le salua assez sèchement et reprit la route, aussi mécontente d’elle que de son ex-amoureux. Elle sentait qu’elle aurait pu se montrer plus aguichante pour l’inciter à lui revenir.
    — Grand niaiseux ! s’emporta-t-elle. Même pas capable de voir que je l’invite !
    Puis, une pensée l’effleura qui la fit s’arrêter brusquement de marcher. Elle venait soudain de réaliser que Constant Aubé était peut-être réellement tombé amoureux de Laurence Comtois, amoureux au point de ne plus être du tout intéressé par elle. À cette évocation, elle éprouva un sérieux pincement au cœur et elle rentra à la maison passablement bouleversée.
    — Je suis sûre qu’il m’aime encore, murmura-t-elle en montant sur la galerie.
    — Es-tu rendue que tu te parles toute seule ? lui demanda sa mère qu’elle n’avait pas vue.
    — Bien non, m’man, je suis juste fatiguée, se défendit-elle.

    Trois jours plus tard, les paroissiens de Saint-Bernard-Abbé s’entassèrent dans la chapelle au sommet de la côte du rang Sainte-Ursule, impatients de savoir quel prêtre remplaçait le curé Désilets durant sa retraite.
    — Avec un peu de chance, la messe va être un peu moins longue, dit Bridget Ellis à l’oreille de la ménagère du curé Désilets.
    — Comptez-y pas trop, madame Ellis, l’abbé Farly est pas mal dans le genre de notre curé, lui déclara Bérengère Mousseau au moment où toutes deux entraient dans la chapelle. Il est sec et il entend pas à rire pantoute.
    Les paroissiens s’en rendirent compte dès que le prêtre entreprit son sermon en anglais d’abord, puis en français ensuite. Il s’étendit longuement sur les dangers des péchés de la chair, décrivant avec force détails tous les tourments éternels qui attendaient les malheureux pécheurs qui allaient brûler dans les flammes de l’enfer.
    Apparemment insensible au temps qui passait, le célébrant n’en finissait plus de tonner contre ceux et celles qui donnaient le mauvais exemple. Enfin, avant de quitter la chaire, il prit soin de rappeler à ses ouailles que la bénédiction du Saint-Sacrement aurait lieu immédiatement après la grand-messe, comme le faisait le curé Désilets.
    Dès que le prêtre prononça l’ Ite missa est , les gens se précipitèrent en grand nombre vers l’extérieur, impatients d’échapper à l’atmosphère étouffante de la chapelle après une grand-messe qui avait tout de même duré près de deux heures. Les hommes se regroupèrent pour fumer une pipe et échanger des nouvelles pendant que les femmes allaient retrouver avec plaisir des amis, des parents et des

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