Au Coeur Du Troisième Reich
le déplacement des voies ferrées. Le reste du terrain ne devait être disponible que plusieurs années après, mais les options prises par les ministères, les services publics du Reich et les entreprises privées furent si nombreuses, que non seulement la construction sur les sept kilomètres de l’avenue était assurée, mais que nous commençâmes déjà à attribuer des terrains situés au sud de la gare du Midi. Nous ne pûmes empêcher qu’à grand-peine le D r Ley, chef du « Front allemand du travail », qui disposait de fonds énormes provenant des cotisations des travailleurs, de s’attribuer un cinquième de toute la longueur de l’avenue. Il réussit toutefois à obtenir un lot de 300 mètres de long, où il voulait installer un grand centre de distractions.
L’une des raisons de cette brusque fureur de construire fut naturellement la perspective d’aller au-devant des désirs de Hitler en érigeant d’importants édifices. Comme les dépenses à engager pour ces constructions auraient été plus importantes que sur des terrains à bâtir normaux, je recommandai à Hitler d’accorder une distinction aux maîtres d’ouvrage pour tous les millions dépensés en plus, suggestion qu’il accepta spontanément. « Et pourquoi même ne pas décorer ceux qui auront bien mérité de l’art ? Nous ne le ferons que très rarement et principalement pour ceux qui auront financé un édifice important. On peut obtenir beaucoup avec des médailles. » L’ambassadeur britannique, avec raison d’ailleurs, crut lui aussi faire plaisir à Hitler en lui proposant d’ériger une nouvelle ambassade, dans le cadre du nouvel aménagement de Berlin ; Mussolini, lui-même, montra un très vif intérêt pour tous ces projets 13 .
Bien que Hitler gardât le silence sur ses véritables projets en matière d’architecture, les détails rendus publics suscitèrent bon nombre de commentaires écrits et oraux. Il s’ensuivit un véritable boom de l’architecture. Hitler se serait-il intéressé à l’élevage de chevaux que cette manie se serait certainement emparée des dirigeants ; mais en l’occurrence, on assista à une production massive de projets à la Hitler. Certes on ne peut pas parler d’un style III e Reich, car il s’agissait seulement d’une orientation privilégiée, se distinguant par certains caractères aussi précis que disparates ; mais cette tendance était souveraine. Pourtant Hitler n’avait rien d’un doctrinaire. Il comprenait qu’un relais d’autoroute ou un foyer de la Jeunesse hitlérienne à la campagne ne pouvaient ressembler à une construction urbaine ; il ne lui serait jamais venu à l’idée non plus de construire une usine dans son style d’apparat ; il pouvait réellement s’enthousiasmer pour une construction industrielle de verre et d’acier. Mais un édifice public, dans un État qui se proposait de bâtir un empire, devait, selon lui, porter une empreinte bien définie.
Nombreux furent les projets qui, dans d’autres villes, virent le jour à la suite du plan d’aménagement de Berlin. Tout Gauleiter voulut désormais s’immortaliser dans sa ville par ses réalisations. Presque tous ces plans présentaient, comme mon projet pour Berlin, deux axes en forme de croix, parfois même orientés de la même façon ; le modèle berlinois était devenu un schéma idéal. Quand nous discutions ensemble, penchés sur nos plans, Hitler lui-même dessinait inlassablement, d’un crayon facile, ses propres esquisses, trouvant chaque fois la perspective juste ; il traçait, à l’échelle, plans, coupes et projections : un architecte n’aurait pas mieux fait. Parfois, le matin, il me montrait une esquisse réalisée avec soin et terminée dans la nuit ; mais la plupart de ses dessins, il les fit à grands traits rapides, au cours de nos discussions.
J’ai conservé jusqu’à ce jour, toutes les esquisses faites par Hitler en ma présence, y inscrivant la date et le sujet. Il est intéressant de noter que, sur un total de 125 esquisses, un bon quart intéressent les projets de constructions de Linz, projets qui lui tinrent toujours le plus à cœur. Tout aussi nombreux sont les plans de théâtres. Il nous surprit un matin en nous montrant une esquisse qu’il avait dessinée au propre dans la nuit, représentant une « colonne du Mouvement » destinée à Munich ; nouveau symbole de la ville, cette colonne aurait réduit à l’état lilliputien
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