Au Coeur Du Troisième Reich
d’halluciné ; après coup, bien sûr, il est plus facile de découvrir le fil conducteur qui les reliait entre elles d’une part, et à mes plans de construction d’autre part.
Hitler veillait avec un soin jaloux à ce que nos plans ne soient pas connus du public. Seuls quelques fragments en furent publiés, car il était impossible de travailler complètement dans le secret, trop de gens participant aux travaux préparatoires. Aussi faisions-nous à l’occasion connaître certaines parties du projet qui semblaient sans conséquences et la conception fondamentale qui était à la base de notre projet fut même portée à la connaissance du public grâce à un article que j’écrivis avec l’accord de Hitler 8 . Le chansonnier Werner Fink, s’étant moqué de ces projets, fut jeté dans un camp de concentration ; mais peut-être y avait-il encore à celad’autres raisons. Au demeurant cette mesure fut prise la veille du jour où je me proposais d’assister au spectacle, pour bien montrer que je ne me sentais pas offensé.
Nous faisions preuve de prudence même pour des questions futiles : ayant un moment envisagé de démolir la tour de l’hôtel de ville de Berlin, nous fîmes paraître, dans le « courrier des lecteurs » d’un journal berlinois, une lettre écrite par le secrétaire d’État Karl Hanke, afin de connaître la réaction des Berlinois. Les protestations furieuses de la population me firent ajourner la réalisation de ce projet. D’une façon générale, nous devions, en mettant nos plans à exécution, ménager les sentiments de l’opinion publique. Ainsi, nous envisagions de reconstruire dans le parc du château de Charlottenburg le joli château de Monbijou qui devait faire place à un musée 9 . Pour des raisons similaires, on conserva même la tour de la radio, ainsi que la colonne de la Victoire qui gênait pourtant nos plans d’urbanisme ; Hitler la considérait comme un monument de l’histoire allemande et il profita même de l’occasion pour la faire surélever, afin qu’elle fît plus d’effet. Il fit pour cela une esquisse qui existe encore aujourd’hui, se moquant de la parcimonie de l’État prussien qui, même triomphant, avait lésiné sur la hauteur de sa colonne de la Victoire.
J’évaluai les frais globaux de l’aménagement de Berlin à une somme allant de 4 à 6 milliards de Reichsmarks ce qui, aux prix actuels de la construction, représenterait une somme de 16 à 24 milliards de deutsche marks environ. Pendant les onze années qui nous séparaient encore de 1950, 500 millions de Reichsmarks devaient être alloués chaque année à notre projet, dépense nullement utopique puisqu’elle ne représentait qu’un vingt-cinquième du volume total des sommes absorbées par la construction en Allemagne 10 . Pour me rassurer et me justifier, j’avais alors établi une comparaison, fort sujette à caution il est vrai : je calculai quel pourcentage représentaient, par rapport au produit total des impôts perçus par l’État prussien, les sommes prélevées pour financer ses constructions berlinoises par le roi Frédéric-Guillaume, père de Frédéric le Grand, qui était, comme l’on sait, très économe. Ces sommes dépassaient largement le montant de nos dépenses qui n’auraient représenté, elles, qu’environ 3 % des 15 milliards 700 millions de marks de ce produit fiscal. Il est vrai que cette comparaison n’était pas très convaincante, car on ne peut pas comparer le produit des impôts de cette époque-là au rendement fiscal de l’époque actuelle.
Le professeur Hettlage, mon conseiller en matière budgétaire, résumait nos idées sur le financement du projet par cette remarque sarcastique : « Pour la ville de Berlin, les dépenses doivent être calculées en fonction des recettes, chez nous c’est l’inverse 11 . » Ces 500 millions à trouver chaque année, ne devaient pas, Hitler et moi étions d’accord sur ce point, être prélevés en une seule fois, mais répartis sur autant de budgets que possible ; chaque ministère, chaque service public devait prévoir dans son budget les sommes nécessaires, tout comme devaient faire les chemins de fer du Reich pour la transformation du réseau ferroviaire berlinois ou la ville de Berlin pour les routes et le métro souterrain. De plus les entreprises industrielles privées devaient assumer elles-mêmes leurs propres dépenses.
En 1938, lorsque tout fut
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