Au Coeur Du Troisième Reich
qui devait s’étendre devant le Grand Dôme. C’était moi qui devais en dessiner les plans, selon le vœu de Hitler. En outre, j’étais chargé de construire le nouvel édifice de Göring et la gare du Midi. C’était là plus que suffisant, car je devais également réaliser les plans des bâtiments des Congrès du parti à Nuremberg. Mais comme ces projets, dont j’étais personnellement responsable, s’étalaient sur dix ans, je pouvais les mener à bien en utilisant une équipe de huit à dix collaborateurs que je pourrais superviser, et en laissant à d’autres l’élaboration des détails techniques. Mon bureau privé se trouvait dans la Lindenallee à Westend, non loin de l’Adolf-Hitler-Platz, l’ancienne Reichskanzlerplatz. Mais je réservais régulièrement mes après-midi, jusque tard dans la soirée, à mon service officiel de la Construction de la Pariser-Platz. C’est là que je fis appel aux architectes que j’estimais être les meilleurs d’Allemagne, pour leur confier les grands ouvrages du projet global : Paul Bonatz, auteur de nombreux ponts, reçut sa première commande de construction hors de terre (le Haut commandement de la marine de guerre) dont le projet grandiose fut chaleureusement approuvé par Hitler ; Bestelmeyer fut chargé des plans du nouvel Hôtel de Ville ; Wilhelm Kreis se vit confier les projets du haut commandement de l’armée, du Mémorial du Soldat et de divers musées ; sur proposition de l’A.E.G. qui était son maître d’ouvrage habituel, Peter Behrens, le maître de Gropius et de Mies van der Rohe, fut chargé de construire le nouveau bâtiment administratif de cette firme, dans la grande avenue. Évidemment cela provoqua les protestations de Rosenberg et de ses gardiens de la culture, qui ne pouvaient admettre que ce promoteur du radicalisme architectural s’immortalisât dans l’ « avenue du Führer ». Hitler, qui appréciait l’ambassade de Saint-Pétersbourg de Behrens, accepta néanmoins que la commande allât à ce dernier. Je proposai également à plusieurs reprises à mon maître Tessenow de répondre aux appels d’offre. Mais, ne voulant pas renoncer à son style sobre et artisanal, il repoussa obstinément la tentation de construire des édifices importants.
Comme sculpteur je fis essentiellement appel à Josef Thorak, aux œuvres duquel le directeur général des musées de Berlin, Wilhem von Bode, avait consacré un livre ; j’employai également l’élève de Maillol, ArnoBreker. C’est lui qui, en 1943, servit d’intermédiaire quand il s’agit de transmettre à son maître la commande d’une sculpture qui devait trouver place à Grunewald.
Les historiens affirment que je n’entretenais pas de relations de caractère privé avec les cercles du parti 14 ; on pourrait tout aussi bien dire que, me considérant comme un intrus, les ténors du parti me tenaient à l’écart. Quant aux sentiments des Reichsleiter ou des Gauleiter, ils me laissaient indifférent puisque j’avais la confiance de Hitler. Exception faite pour Karl Hanke, qui m’avait « découvert », je n’étais lié de près à aucun dignitaire du parti et aucun d’eux ne fréquentait ma maison. Par contre je m’étais fait des amis parmi les artistes que je faisais travailler et parmi leurs amis à eux. A Berlin, dans la mesure où mon temps limité me le permettait, je rencontrais aussi souvent que possible Breker et Kreis, auxquels se joignait fréquemment le pianiste Wilhelm Kempff. A Munich je m’étais lié d’amitié avec Josef Thorak et le peintre Hermann Kaspar qu’on pouvait rarement empêcher, vers la fin de la soirée, de proclamer bruyamment sa prédilection pour la monarchie bavaroise.
J’étais également lié avec mon premier maître d’ouvrage, le D r Robert Frank, pour lequel j’avais, dès 1933, avant de travailler pour Hitler et Goebbels, transformé la maison de maître du domaine de Sigrön, près de Wilsnack. C’est chez lui que je passais souvent le week-end avec ma famille, à 130 kilomètres des portes de Berlin. Jusqu’en 1933, Frank avait été directeur général des centrales électriques de Prusse ; limogé quand Hitler eut pris le pouvoir, il vivait depuis retiré en simple particulier ; de temps à autre il était en butte aux tracasseries du parti, mais mon amitié le protégea d’ennuis plus graves. C’est à lui qu’en 1945 je confiai ma famille lorsque je l’installai à Schleswig, aussi
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