Au Coeur Du Troisième Reich
les deux tours de l’église Notre-Dame, la Frauenkirche.
Il considérait ce projet, tout comme celui de l’Arc de Triomphe de Berlin, comme son domaine réservé et il n’hésita pas à corriger jusque dans le détail les travaux de l’architecte munichois chargé de faire les plans. Aujourd’hui encore il me semble que ces corrections étaient vraiment des améliorations qui apportaient au problème des forces statiques s’exerçant dans un socle une solution meilleure que celle proposée par l’architecte.
Giessler, le responsable de l’urbanisme à Munich, savait très bien imiter le D r Ley, le Führer ouvrier bégayant. Hitler prenait tant de plaisir à ces imitations qu’il redemandait sans cesse à Giessler de lui décrire la scène du couple Ley venant visiter les salles des maquettes du Service de l’urbanisme de Munich. Tout d’abord, Giessler racontait comment le Führer des travailleurs allemands, en élégant costume d’été, portant gants blancs et chapeau de paille, accompagné de son épouse vêtue de façon à peine moins voyante, était entré dans son atelier ; Giessler leur avait montré et commenté les plans de Munich jusqu’à ce que Ley l’interrompît : « C’est moi qui construirai tout ce bloc-ci. Ça coûte combien ? Quelques centaines de millions ? Bon, nous allons construire ça… Et que voulez-vous construire là ? – Une grande maison de haute couture. – La mode c’est moi qui la ferai ! c’est ma femme qui le fera ! Pour cela nous avons besoin d’une grande maison. C’est entendu ! Ma femme et moi, c’est là-dedans que nous déciderons de la mode allemande… Et… et… Et des filles il nous en faut aussi ! Beaucoup, plein une maison, avec un intérieur très moderne. Nous nous chargerons de tout, quelques centaines de millions pour la construction, cela n’a aucune importance. » Giessler, que cette obligation rebutait, dut décrire cette scène d’innombrables fois, tandis que Hitler riait aux larmes de la mentalité dépravée de son « Führer ouvrier ».
Mes projets de constructions n’étaient pas les seuls dont Hitler stimulât inlassablement les progrès. Il autorisait sans cesse la construction de forums dans les capitales des Gaue et encourageait ses dirigeants à s’improviser maîtres d’ouvrages de projets de prestige. A ce propos, il avait une manie qui m’exaspérait. Il exigeait de voir ses cadres entrer en compétition, partant du principe que seule une concurrence acharnée permettait d’obtenir des réalisations de haute qualité. Il ne pouvait concevoir que nos possibilités fussent limitées et passait outre quand je lui objectais que bientôt plus aucun délai ne pourrait être respecté, du fait que les Gauleiter utilisaient pour leurs propres besoins toute la pierre à bâtir de leur région.
Himmler vint en aide à Hitler. Ayant appris que nous étions menacés par une pénurie de briques et de granit, il suggéra d’utiliser ses détenus pour en assurer la production. Il proposa à Hitler de construire à Sachsenhausen, près de Berlin, une vaste briqueterie, qui serait propriété de la SS et placée sous sa direction. Comme Himmler était très ouvert aux innovations, il trouva bientôt un inventeur pour proposer un nouveau procédé pour la fabrication des briques. Mais la production promise ne put démarrer, car l’invention fit long feu.
La seconde promesse de Himmler, toujours à l’affût de quelque projet d’avenir, aboutit au même résultat. Il voulait, en se servant des détenus des camps de concentration, produire des blocs de granit pour les bâtiments de Nuremberg et de Berlin. Il fonda sans tarder une firme sous un nom quelconque et se mit à extraire des pierres. Mais les entreprises SS étant d’une incompétence inimaginable, les blocs présentaient des fêlures et des fissures et la SS dut finalement admettre qu’elle ne pourrait fournir qu’une petite partie des blocs de granit promis. Le service des ponts et chaussées du D r Todt prit livraison du reste de la production pour en faire des pavés. Hitler, qui avait mis de grands espoirs dans les promesses de Himmler, fut de plus en plus irrité et finit par déclarer sarcastiquement que les SS feraient mieux de s’occuper de la production de pantoufles de feutre et de sacs en papier, selon la tradition des établissements pénitenciers.
En plus des nombreux édifices prévus, le projet comprenait la création de la place
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