Au Coeur Du Troisième Reich
loin que possible du centre de la débâcle.
Peu après ma nomination, je sus convaincre Hitler que les plus compétents des membres du parti occupaient depuis longtemps des postes de direction, si bien que je ne trouverais plus dans le parti qu’un personnel de second ordre. Sans hésiter, il m’autorisa à choisir mes collaborateurs à ma convenance. Peu à peu le bruit se répandit que l’on pouvait trouver dans mon service un emploi sûr et à l’abri de tout tracas. Aussi de plus en plus d’architectes se pressèrent à notre porte.
Un jour, un de mes collaborateurs me demanda une recommandation pour adhérer au parti. « Pourquoi, répondis-je, ne suffit-il pas que je sois moi-même au parti ? » Ma réponse fit le tour de l’Inspection générale de la Construction. Certes nous prenions au sérieux les projets architecturaux de Hitler, mais devant la solennité bornée de son Reich, nous refusions d’être aussi solennels que d’autres.
Je continuai à ne fréquenter que très rarement les réunions du parti et c’est à peine si j’eus encore des contacts avec ses membres, ceux du Gau de Berlin, par exemple ; d’autre part, je négligeai les fonctions que le parti m’avait confiées et dont j’aurais pu cependant faire des positions puissantes. Par manque de temps, j’abandonnai même de plus en plus la direction du service « Beauté du travail » à mon représentant permanent. Cette réserve, il faut bien le dire, m’était également dictée par ma crainte d’avoir à prononcer des discours en public.
En mars 1939, j’entrepris, en compagnie de mes plus proches amis, un voyage en Sicile et en Italie du Sud. Notre groupe comprenait Wilhelm Kreis, Josef Thorak, Hermann Kaspar, Arno Breker, Robert Frank, Karl Brandt et leurs épouses. Sur notre invitation Magda Goebbels, la femme du ministre de la Propagande, participa au voyage, mais sous un nom d’emprunt.
Dans l’entourage immédiat de Hitler il y eut, tolérées par lui, de nombreuses histoires sentimentales. Ainsi Bormann, se conduisant avec une grossièreté et une goujaterie qui ne sauraient étonner de la part de cet individu sans cœur ni moralité, invita dans sa maison de l’Obersalzberg sa maîtresse, une actrice de cinéma qui vécut là des jours durant au milieu de la famille. Seule l’attitude conciliante, et pour moi incompréhensible, de M me Bormann permit d’éviter le scandale.
Goebbels pour sa part, eut de nombreuses aventures amoureuses. Son secrétaire d’État, Hanke, rapportait, mi-amusé, mi-indigné, comment Goebbels usait souvent de chantage auprès des jeunes artistes de cinéma. Mais ses rapports avec la star tchèque Lida Baavora furent plus qu’un simple épisode. Sa femme voulut alors le quitter et exigea que le ministre se séparât d’elle et des enfants. Nous étions, Hanke et moi, entièrement du côté de l’épouse ; Hanke, cependant, ne fit que compliquer la crise conjugale en tombant amoureux de la femme de son ministre, beaucoup plus âgée que lui. Pour la tirer d’embarras, j’invitai M me Goebbels à faire en notre compagnie ce voyage en Italie. Hanke voulut la rejoindre et l’importuna, pendant tout le voyage, de lettres d’amour ; mais il fut fermement éconduit.
Pendant ce voyage, M me Goebbels se comporta en femme aimable et équilibrée. D’une manière générale, les épouses des personnages du régime firent preuve de beaucoup plus de détachement que leurs maris devant les tentations du pouvoir. Elles ne s’égarèrent pas dans le monde de fantasmes de ceux-ci, suivant leur rêve de grandeur, souvent grotesque, avec une certaine réserve intérieure, échappant ainsi au tourbillon politique qui emportait leurs époux en une ascension vertigineuse. M me Bormann resta une modeste ménagère, quelque peu intimidée, aussi aveuglément dévouée, toutefois, à son mari qu’à l’idéologie du parti ; quant à M me Göring, j’avais l’impression qu’elle était capable de sourire de l’amour du faste de son mari ; enfin Eva Braun, elleaussi, montra une certaine élévation de sentiments ; en tout cas, elle ne chercha pas à user du pouvoir qui était à portée de sa main à des fins personnelles.
La Sicile et les ruines des temples doriques à Ségeste, Syracuse, Sélinonte et Agrigente furent pour nous une source d’enrichissement et complétèrent les impressions que nous avions recueillies au cours de notre voyage en Grèce. Devant
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