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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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les temples de Sélinonte et d’Agrigente, je constatai une nouvelle fois, non sans apaisement, que l’Antiquité elle aussi avait eu ses accès de mégalomanie ; visiblement les Grecs des colonies s’étaient ici écartés des principes de mesure en honneur dans la mère patrie. Face à ces temples, tous les témoignages de l’architecture sarrasino-normande rencontrés sur notre route faisaient pâle figure, sauf Castel del Monte, le merveilleux château de chasse de Frédéric II, construit sur un plan octogonal. Paestum nous apparut comme un autre sommet. Pompéi, par contre, me sembla plus éloigné des formes pures de Paestum que nos propres édifices de celles du monde dorique.
    Au retour nous fîmes une halte de quelques jours à Rome ; le gouvernement fasciste découvrit l’identité de notre illustre compagne de voyage et le ministre italien de la Propagande, Alfieri, nous invita tous à l’Opéra ; mais aucun de nous ne fut capable de donner une explication plausible au fait que la seconde dame du Reich voyageait seule à l’étranger, nous rentrâmes donc chez nous aussi vite que possible.
    Tandis que nos rêves nous entraînaient dans le monde du passé grec, Hitler faisait occuper et rattacher au Reich la « Tchéquie ». Nous trouvâmes en Allemagne un climat de désenchantement. Tous étaient en proie à un sentiment général d’incertitude quant à notre proche avenir. Aujourd’hui encore je m’étonne de voir avec quelle justesse un peuple peut pressentir ce qui va arriver, sans se laisser influencer par la propagande officielle.
    Toutefois nous fûmes rassurés en voyant un jour Hitler prendre position contre Goebbels quand celui-ci, au cours d’un déjeuner à la Chancellerie, déclara en parlant de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Konstantin von Neurath, nommé quelques semaines auparavant « Protecteur du Reich » en Bohême-Moravie : « Von Neurath est connu pour être un modéré. Or le protectorat a besoin d’une main ferme, qui maintienne l’ordre. Cet homme n’a rien de commun avec nous, il fait partie d’un tout autre monde. » Hitler rectifia : « Von Neurath était le seul titulaire possible. Dans le monde anglo-saxon on le considère comme un homme d’une grande distinction. Sur le plan international, sa nomination aura un effet rassurant, car on y verra une volonté de ne pas frustrer les Tchèques de leur vie nationale. »
    Hitler me demanda de lui faire le récit des impressions que je rapportais d’Italie. Ce qui m’avait le plus frappé, c’était que, même dans les villages, les murs étaient recouverts de slogans politiques. « Nous n’avons pas besoin de cela, dit-il simplement. Si jamais la guerre éclate, le peuple allemand est assez endurci. Ce genre de propagande convient peut-être à l’Italie. Quant à savoir si elle sert à quelque chose, c’est une autre question 15  . »
     
    A plusieurs reprises Hitler m’avait demandé de prononcer à sa place le discours d’inauguration de l’exposition d’architecture de Munich. J’avais jusqu’alors réussi à décliner de telles offres, trouvant toujours des échappatoires. Au printemps 1938, une sorte de marchandage fut même conclu : j’étais prêt à établir les plans de la galerie de tableaux et du stade de Linz, à condition de ne pas avoir de discours à prononcer.
    Mais la veille du cinquantième anniversaire de Hitler, on devait ouvrir à la circulation un tronçon de l’ « axe est-ouest », et il avait promis de procéder lui-même à l’inauguration. Mon premier discours était devenu inévitable – et cela devant le chef de l’État et en public. Au déjeuner Hitler annonça : « Une grande nouvelle, Speer va prononcer un discours ! Je suis curieux d’entendre ce qu’il va dire. »
    Devant la Porte de Brandebourg, les notables de la ville étaient assemblés au milieu de la chaussée ; je me trouvais sur le côté droit, tandis que la foule se pressait loin derrière nous, sur les trottoirs, maintenue par des cordes. Au loin retentirent des ovations dont l’intensité augmenta à mesure que la colonne de voitures de Hitler approchait et bientôt ce fut du délire. La voiture de Hitler s’arrêta juste devant moi, il descendit, me salua d’une poignée de main, et répondit au salut des dignitaires en levant rapidement le bras. Des caméras mobiles toutes proches commencèrent à nous filmer, pendant que Hitler se plaçait à deux mètres

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