Au Coeur Du Troisième Reich
de moi, impatient. Respirant profondément, je dis alors textuellement : « Mon Führer, je vous annonce que l’axe est-ouest est achevé. Puisse l’ouvrage parler de lui-même ! » Un long moment s’écoula avant que Hitler répondît par quelques phrases, puis il m’invita à monter dans sa voiture et nous longeâmes la haie de 7 kilomètres formée par les Berlinois venus lui rendre hommage pour son cinquantième anniversaire. Ce fut certainement l’un des plus grands déploiements de masse que le ministre de la Propagande eût organisés ; mais les applaudissements étaient sincères, me sembla-t-il.
Arrivés à la Chancellerie du Reich, nous attendîmes le dîner. « Vous m’avez mis dans l’embarras avec vos deux phrases, me dit aimablement Hitler ; je m’attendais à un discours assez long et je voulais pendant ce temps réfléchir à ma réponse, comme c’est mon habitude. Or vous avez eu si vite terminé que je ne savais quoi dire. Mais je vous l’accorde, ce fut un bon discours. L’un des meilleurs que j’aie entendus de ma vie. » Par la suite, cette anecdote fit partie de son répertoire permanent et il la raconta souvent.
A minuit, Hitler reçut les félicitations des convives présents. Mais lorsque je lui dis que, pour marquer ce jour, j’avais fait monter dans une salle une maquette de son Arc de Triomphe haute de presque quatre mètres,plantant là toute la société, il se rendit immédiatement dans cette pièce. Il resta un long moment à contempler la maquette, visiblement ému : le rêve de ses jeunes années était, du moins en réduction, devenu réalité. Fasciné, il me serra la main sans mot dire pour ensuite, en pleine euphorie, vanter à ses invités l’importance de cet ouvrage dans l’histoire future du Reich. Dans le courant de la nuit il alla à plusieurs reprises examiner la maquette. A l’aller et au retour nous traversâmes chaque fois l’ancienne salle du Conseil où Bismarck avait présidé, en 1878, le Congrès de Berlin. Sur de longues tables étaient disposés les cadeaux d’anniversaire de Hitler, pour l’essentiel un amas d’objets de mauvais goût, offerts par les Reichsleiter et les Gauleiter : des nus de marbre blanc, des reproductions de bronzes alors en vogue, comme par exemple celui du jeune Romain à l’épine et des peintures à l’huile dont le niveau était digne des expositions de la « Maison de l’Art ». Une partie de ces cadeaux plaisait à Hitler, tandis qu’il se moquait des autres, mais il y avait peu de différence entre eux.
Sur ces entrefaites, les relations entre Hanke et M me Goebbels avaient pris une telle tournure qu’ils voulaient se marier, au grand effroi de tous les initiés. C’était un couple mal assorti : Hanke était jeune et maladroit, elle une dame du monde élégante, beaucoup plus âgée que lui. Hanke pressa Hitler de donner son accord au divorce, mais Hitler refusa, invoquant la raison d’État. Le festival de Bayreuth de 1939 allait commencer, lorsqu’un matin Hanke arriva chez moi à Berlin, désespéré. Le couple Goebbels s’était réconcilié, me dit-il, et ils étaient partis ensemble pour Bayreuth. Je trouvais que c’était la chose la plus raisonnable, pour Hanke également. Mais il est difficile de consoler un amant désespéré en le félicitant de son malheur. Je lui promis donc de me renseigner à Bayreuth sur ce qui s’était passé et je partis immédiatement.
La famille Wagner avait ajouté à la maison Wahnfried une aile spacieuse où Hitler et ses aides de camp étaient logés pendant le festival, tandis que les invités de Hitler étaient installés chez des particuliers à Bayreuth. Hitler apportait ici beaucoup plus de soin au choix de ses invités qu’il ne le faisait à l’Obersalzberg ou surtout à la Chancellerie du Reich. Outre les aides de camp de service, il n’invitait que quelques connaissances dont il pouvait être sûr qu’elles seraient agréables à la famille Wagner ; à vrai dire il n’y eut jamais que le D r Dietrich, le D r Brandt et moi-même.
Pendant le festival, Hitler donnait l’impression d’être plus détendu qu’à l’ordinaire ; au sein de la famille Wagner, il se sentait visiblement à son aise et libéré de l’obligation de représenter le pouvoir, obligation à laquelle il se croyait tenu à la Chancellerie, même parfois le soir au milieu de ses intimes. Il était de bonne humeur, paternel avec les enfants, amical
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