Au Coeur Du Troisième Reich
posés sur des centaines de kilomètres et les moyens de communication les plus modernes installés, Hitler déclara brusquement que ce quartier général était trop coûteux pour lui ; il prétendit que pendant la guerre il devait vivre simplement, qu’il fallait donc lui construire dans la région de l’Eifel quelque chose qui convînt à ces temps de guerre. Peut-être ce geste fit-il impression sur ceux qui ne voyaient les choses que du dehors, sans savoir que de nombreux millions avaient été gaspillés en vain et qu’on allait devoir en dépenser d’autres. Nous le fîmes remarquer à Hitler, mais il demeura sourd à nos objections, car il craignait que sa réputation d’homme qui se contente de peu ne fût ternie.
Après la rapide victoire sur la France, j’acquis la ferme conviction que Hitler était d’ores et déjà devenu une des plus grandes figures de l’histoire allemande. L’apathie que, malgré tous ces succès grandioses, je crus remarquer dans l’opinion publique me frappa et m’irrita. Hitler quant à lui devenait d’une suffisance toujours plus irréfrénée. Il avait maintenant trouvé un nouveau thème pour ses monologues. Ses idées, disait-il, n’avaient pas été mises en échec par les insuffisances qui nous avaient fait perdre la Première Guerre mondiale. A cette époque-là, la discorde avait séparé la direction politique et la direction militaire, on avait laissé aux partis politiques tout loisir de mettre en danger l’unité de la nation et même d’avoir des menées de haute trahison. Pour des raisons de protocole, les princes des dynasties régnantes avaient dû, malgré leur incapacité, assurer le commandement suprême de leurs armées ; ils s’étaient mis en devoir de récolter des lauriers militaires pour accroître la gloire de leur dynastie. C’est uniquement parce qu’on avait adjoint d’excellents officiers d’état-major à ces descendants incapables de familles princières décadentes que des catastrophes plus graves avaient pu être évitées. A la tête des armées, il y avait d’ailleurs eu alors, avec Guillaume II, un généralissime incapable… Par contre, maintenant l’Allemagne était unie, se plaisait à reprendre Hitler avec satisfaction, maintenant le rôle des Länder était devenu insignifiant, les généraux étaient choisis parmi les meilleurs officiers, sans considération d’origine, les privilèges de la noblesse étaient supprimés, la politique et la Wehrmacht, comme la nation tout entière, fondues dans une grande unité. Et puis c’était lui, Hitler, qui était à la tête de l’Allemagne. Sa force, sa volonté, son énergie vaincraient toutes les difficultés qui pourraient surgir.
Hitler revendiquait pour lui le succès de cette campagne à l’ouest, affirmant que le plan était de lui : « J’ai lu à plusieurs reprises, assurait-il à l’occasion, le livre du colonel de Gaulle, sur les possibilités qu’offrent dans les combats modernes des unités entièrement motorisées, et j’ai beaucoup appris. »
Peu après la fin de la campagne de France, je reçus un appel téléphonique de la maison militaire du Führer : je devais pour une raison particulière venir au quartier général du Führer et y rester quelques jours. Le quartier général de Hitler se trouvait alors près de Sedan, dans le petit village de Bruly-le-Peche, dont tous les habitants avaient été évacués. Généraux et aides de camp s’étaient installés dans les petites maisons qui bordaient l’unique rue du village. Celle où logeait Hitler ne se différenciait pas des autres. A mon arrivée, il me salua de très bonne humeur : « Dans quelques jours nous irons à Paris en avion. Je veux que vous soyez du voyage. Breker et Giessler viendront également avec nous. » Sur ce, il me congédia et je restai tout ahuri à l’idée que le vainqueur, pour son arrivée dans la capitale française, avait fait venir trois artistes pour l’accompagner.
Ce soir-là je fus invité à la table de Hitler ; on y régla certains détails du voyage à Paris ; j’appris alors qu’il ne s’agissait pas d’une visite officielle, mais d’une sorte de « voyage culturel » de Hitler dans cette ville qui l’avait, comme il le disait si souvent, tellement captivé depuis son jeune âge, qu’il croyait, grâce à la seule étude des plans, connaître ses rues et ses édifices principaux comme s’il y avait vécu.
C’est dans la nuit
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