Au Coeur Du Troisième Reich
du 25 juin 1940, à 1 h 35, que l’armistice devait entrer en vigueur. Nous étions assis avec Hitler autour d’une table de bois dans la pièce toute simple de la ferme. Un peu avant le moment convenu, Hitler ordonna d’éteindre la lumière et d’ouvrir les fenêtres. Assis dans l’obscurité, nous gardions le silence, impressionnés, conscients que nous étions de vivre un moment historique si près de son auteur. Dehors le clairon fit entendre la sonnerie traditionnelle annonçant la fin des hostilités. Au loin, un orage devait se préparer car, comme dans un mauvais roman, de temps à autre la lueur d’un éclair de chaleur traversait la pièce obscure. Quelqu’un, terrassé par l’émotion, se moucha. Puis on entendit la voix de Hitler, faible, neutre : « Quelle responsabilité… » Puis quelques minutes plus tard : « Maintenant, rallumez la lumière. » La conversation reprit, anodine, mais pour moi cette scène est restée un événement extraordinaire. Il m’avait semblé découvrir Hitler sous son aspect humain.
Le lendemain je quittai le quartier général pour aller à Reims visiter la cathédrale. Une ville fantomatique m’attendait, presque déserte, bouclée par la Feldgendarmerie à cause de ses caves. Des volets battaient dans le vent qui chassait dans les rues les journaux, vieux de plusieurs jours ; des portes ouvertes laissaient voir l’intérieur des maisons. Comme si la vie s’était arrêtée de manière absurde, on voyait encore sur la table des verres, de la vaisselle, des repas commencés. En chemin, nous rencontrâmes sur les routes d’innombrables réfugiés se traînant sur les bas-côtés, tandis que les colonnes de formations militaires allemandes occupaient le milieu de la chaussée. Ces fières unités formaient un étrange contraste avec ces gens harassés, qui emportaient leurs pauvres biens dans des voitures d’enfants, dans des brouettes ou dans tout autre véhicule de fortune. Trois ans et demi plus tard, je devais revoir le même tableau, en Allemagne cette fois.
Trois jours après l’entrée en vigueur de l’armistice, notre avion se posa de bon matin, vers cinq heures trente environ, à l’aéroport du Bourget. Trois grandes Mercedes noires nous attendaient. Comme toujours, Hitler s’assit sur le siège avant, à côté du chauffeur ; Breker et moi, nous prîmes place sur les strapontins derrière lui, tandis que Giessler et l’aide de camp occupaient le siège arrière. Nous, les artistes, nous portions un uniforme gris-vert retouché à nos mesures, qui nous faisait passer inaperçus au milieu des militaires. Traversant les villes de banlieue, nous nous rendîmes directement au grand Opéra néo-baroque de l’architecte Garnier. Hitler avait exprimé le désir d’aller voir en premier son édifice préféré. A l’entrée, nous fûmes accueillis par le colonel Speidel, mis à notre disposition par les autorités allemandes d’occupation.
Le grand escalier, célèbre pour ses proportions grandioses et son ornementation surchargée, le foyer fastueux, la salle chargée d’or, tout fut visité en détail. Toutes les lumières brillaient comme pour une soirée de gala. Hitler nous guidait. Un ouvreur aux cheveux blancs accompagnait notre petit groupe à travers l’édifice désert. Hitler avait réellement étudié à fond les plans de l’Opéra de Paris ; dans la loge d’avant-scène, il remarqua qu’un salon avait disparu. L’ouvreur confirma que cette pièce avait été supprimée quelques années auparavant, à la suite d’une transformation. « Vous voyez comme je m’y connais ici… » dit Hitler, satisfait. Fasciné par l’Opéra, il s’exalta sur sa beauté inégalée, les yeux brillants, perdu dans une extase qui ne laissa pas de m’inquiéter. Bien entendu, l’ouvreur avait tout de suite reconnu qui il guidait à travers l’Opéra. Faisant son métier, mais gardant visiblement ses distances, il nous fit passer dans les différentes salles. Quand nous nous apprêtâmes à quitter l’édifice, Hitler glissa quelques mots à l’oreille de Brückner, son aide de camp, qui sortit un billet de cinquante marks pour aller le remettre à l’homme qui se tenait à l’écart. Poliment mais fermement, celui-ci refusa. Hitler revint à la charge et dépêcha Breker, mais l’homme persévéra dans son refus, expliquant à Breker qu’il n’avait fait que son devoir.
Passant devant la Madeleine, nous nous engageâmes
Weitere Kostenlose Bücher