Au Coeur Du Troisième Reich
ensuite sur les Champs-Élysées pour aller au Trocadéro, puis à la tour Eiffel, où Hitler ordonna une nouvelle halte ; nous allâmes également à l’Arc de Triomphe, avec la tombe du Soldat inconnu, et aux Invalides où Hitler s’arrêta un long moment devant le tombeau de Napoléon. Enfin il visita le Panthéon, dont les proportions l’impressionnèrent vivement. Par contre,les plus belles créations architecturales de Paris, la place des Vosges, le Louvre, le Palais de Justice, la Sainte-Chapelle n’éveillèrent chez lui aucun intérêt particulier. Il ne s’anima à nouveau que devant la ligne uniformément continue des maisons de la rue de Rivoli. Le terme de notre randonnée fut l’église du Sacré-Cœur de Montmartre, cette imitation romantique et fade des églises à coupole du haut Moyen Age, choix surprenant, même pour le goût de Hitler. Là il fit une longue halte, entouré de quelques hommes vigoureux de son commando de protection, reconnu mais ignoré par de nombreux fidèles. Après un dernier coup d’œil sur Paris, nous regagnâmes rapidement l’aéroport. A neuf heures, la visite était terminée. « C’était le rêve de ma vie de pouvoir visiter Paris. Je ne saurais dire combien je suis heureux que ce rêve soit réalisé aujourd’hui. » Pendant un instant, j’éprouvai pour lui de la pitié : trois heures passées à Paris, la première et la dernière fois qu’il y venait, le rendirent heureux, alors qu’il était à l’apogée de ses succès.
Au cours de la visite, Hitler évoqua avec son aide de camp et le colonel Speidel la possibilité d’organiser à Paris un défilé pour célébrer sa victoire. Cependant, après quelque réflexion, il se prononça contre cette initiative. Officiellement il prétexta le danger qu’il y avait de voir le défilé perturbé par des attaques aériennes britanniques, mais plus tard il nous déclara : « Je n’ai pas envie d’assister à un défilé célébrant la victoire ; nous ne sommes pas encore au bout. »
Le soir, il me reçut encore une fois dans la petite salle de sa ferme ; il était assis seul à une table. Sans ambages, il me déclara : « Préparez un décret dans lequel j’ordonne la pleine reprise des constructions de Berlin… N’est-ce pas que Paris était beau ? Mais Berlin doit devenir beaucoup plus beau ! Je me suis souvent demandé, dans le passé, s’il ne fallait pas détruire Paris, poursuivit-il d’un ton serein, comme s’il s’agissait de la chose la plus naturelle du monde, mais lorsque nous aurons terminé Berlin, Paris ne sera plus que son ombre. Alors pourquoi le détruire ? » Sur ce il me congédia.
Bien que je fusse habitué aux remarques impulsives de Hitler, cette brutale révélation de son vandalisme m’effraya. Lors de la destruction de Varsovie, il avait déjà réagi de manière analogue. Il avait alors exprimé son intention d’empêcher la reconstruction de cette ville, pour ravir au peuple polonais son centre politique et culturel. Quoi qu’il en soit, Varsovie avait été détruite au cours d’opérations de guerre ; or maintenant, Hitler révélait qu’il avait même caressé la pensée d’anéantir la ville qu’il avait lui-même qualifiée de plus belle ville d’Europe, elle et tous ses inestimables trésors, et cela arbitrairement et apparemment sans raison. En quelques jours, j’avais eu la révélation de certaines des contradictions qui caractérisaient la nature de Hitler, sans toutefois les percevoir dans toute leur vérité : de l’homme conscient de ses responsabilités au nihiliste sans scrupules méprisant l’humanité, il réunissait en lui les oppositions les plus extrêmes.
Mais les effets de cette expérience furent refoulés en moi par la brillante victoire de Hitler, par la perspective inattendue d’une reprise rapide de mes projets d’architecture et finalement par l’abandon de ses desseins destructeurs. Maintenant c’était à moi qu’incombait la tâche de surpasser Paris. Le jour même, les travaux de Berlin, la grande œuvre de ma vie, furent déclarés par Hitler entreprise prioritaire. Il stipula que Berlin devait acquérir « dans les plus brefs délais le visage auquel l’ampleur de la victoire lui donnait droit », ajoutant : « La réalisation de ces travaux devient désormais la grande mission architecturale du Reich, elle constitue à mes yeux la contribution la plus remarquable à la sauvegarde définitive de
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