Au Coeur Du Troisième Reich
notre victoire. » De sa main, il antidata le décret, le datant du 25 juin 1940, jour de l’armistice et de son plus grand triomphe.
Hitler faisait les cent pas avec Jodl et Keitel, sur l’allée de gravier devant la maison, lorsqu’un aide de camp l’informa que je désirais prendre congé. Il me fit appeler ; m’approchant du groupe, j’entendis Hitler poursuivre sa conversation et dire : « Maintenant nous avons prouvé ce dont nous sommes capables. Croyez-moi, Keitel, une campagne contre la Russie ne serait, en comparaison, qu’un jeu d’enfant. » D’humeur radieuse, il me donna congé, me chargeant de transmettre à ma femme ses salutations les plus cordiales et me promit de venir bientôt discuter avec moi de nouveaux plans et de nouvelles maquettes.
13.
La démesure
Hitler n’avait pas fini d’élaborer les plans de la campagne de Russie, qu’il réfléchissait déjà aux détails de l’organisation et de la mise en scène des parades de la Victoire qui auraient lieu en 1950, quand seraient terminés l’avenue d’apparat et le grand Arc de Triomphe 1 . Mais dans le même temps où il rêvait de nouvelles guerres, de nouvelles victoires et de nouvelles cérémonies, il connut l’une des plus grandes défaites de sa carrière. Trois jours après un entretien au cours duquel il m’avait exposé ses vues sur l’avenir, il me fit venir à l’Obersalzberg avec mes esquisses. Dans le vestibule du Berghof, deux aides de camp de Hess, Leitgen et Pietsch, pâles et agités, attendaient déjà. Ils me prièrent de reporter mon entretien à un peu plus tard, car ils avaient une lettre personnelle de Hess à remettre à Hitler. Celui-ci arriva, venant de l’étage supérieur ; un des aides de camp fut appelé dans le salon. Tandis que je me mettais à feuilleter mes esquisses, j’entendis tout à coup un cri inarticulé, presque bestial. Puis Hitler rugit : « Bormann, immédiatement ! Où est Bormann ? » Bormann dut, par la voie la plus rapide, entrer en contact avec Göring, Ribbentrop, Goebbels et Himmler. Tous les hôtes privés furent priés de se retirer à l’étage supérieur. Ce n’est que plusieurs heures plus tard que nous apprîmes ce qui s’était passé : en pleine guerre, le lieutenant de Hitler s’était envolé vers un pays ennemi, l’Angleterre.
En apparence, Hitler retrouva bientôt sa contenance habituelle. Sa seule préoccupation était que Churchill pût exploiter l’incident pour faire croire aux alliés de l’Allemagne que celle-ci avait procédé à des sondages de paix : « Qui me croira quand je dirai que Hess n’y est pas allé en mon nom, quand j’affirmerai que tout cela n’est pas un coup monté derrière le dos de mes alliés ? » Même la politique du Japon pourrait s’en trouver modifiée, pensait-il avec inquiétude. Au chef des services techniques de la Luftwaffe, le célèbre pilote de chasse Ernst Udet, Hitler fit demander si le bimoteur utilisé par Hess avait la possibilité d’atteindre son but en Écosse, et quelles conditions météorologiques il allait rencontrer. Peu après, Udet donna par téléphone les renseignements désirés. Prétendant que Hess devait échouer, ne serait-ce que pour des raisons de navigation aérienne, il prévoyait que les vents latéraux dominants lui feraient rater l’Angleterre et aller nulle part. Hitler reprit immédiatement espoir : « Si seulement il pouvait se noyer dans la mer du Nord ! Il aurait alors disparu sans laisser de traces, et nous aurions tout notre temps pour trouver une explication quelconque. » Quelques heures plus tard, pourtant, le doute l’assaillait à nouveau et, pour éventuellement gagner les Anglais de vitesse, il se décida à faire annoncer par la radio que Hess était devenu fou. Quant aux deux aides de camp, ils furent arrêtés, comme jadis à la cour des despotes les porteurs de mauvaises nouvelles.
Une intense activité régna bientôt au Berghof. Outre Göring, Goebbels et Ribbentrop, arrivèrent bientôt Ley, les Gauleiter et d’autres dirigeants du parti. Ley, responsable de l’organisation du parti, se fit fort d’assumer les tâches dévolues à Hess, ce qui sur le plan de l’organisation était sans doute la bonne solution. Mais Bormann montra là pour la première fois quelle influence il exerçait d’ores et déjà sur Hitler. Il n’eut aucune peine à repousser la tentative de Ley et à s’attribuer ainsi tout le gain de cette
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