Au Coeur Du Troisième Reich
les services parisiens de Rosenberg, dans des collections privées juives.
Hitler épargna les célèbres collections nationales françaises ; cette façon d’agir, il est vrai, n’était pas aussi désintéressée qu’il peut paraître, car il lui arriva d’affirmer qu’un traité de paix stipulerait que les plus belles pièces du Louvre devraient être livrées à l’Allemagne, au titre de dommages de guerre. Hitler, toutefois, ne fit pas usage de son autorité à des fins personnelles. Il ne garda pour lui aucun des tableaux qu’il avait saisis ou acquis dans les territoires occupés.
Pour Göring, par contre, tous les moyens furent bons pour enrichir ses collections pendant la guerre. Dans les halls et les salles de Karinhall, les tableaux de maîtres étaient accrochés sur trois ou quatre rangs. Quand il n’y eut plus de place sur les murs, il utilisa le plafond du grand hall d’entrée pour y fixer un certain nombre de tableaux. Même au ciel de son lit d’apparat, il avait fait fixer un nu grandeur nature, représentant l’Europe. Il se fit aussi marchand de tableaux lui-même : au premier étage de sa propriété, les murs d’une grande salle étaient couverts de tableaux ayant appartenu à un marchand de tableaux hollandais très connu qui, après l’occupation, avait dû lui céder sa collection pour une bouchée de pain. Ces tableaux, comme il le disait en éclatant de son rire d’enfant, il les revendait en pleine guerre aux Gauleiter plusieurs fois leur prix, percevant un supplément pour le renom qu’à ses yeux possédait un tableau provenant de la « célèbre collection Göring ».
Vers 1943, on me signala du côté français que Göring faisait pression sur le gouvernement de Vichy pour obtenir que celui-ci lui cède un célèbre tableau du Louvre en échange de quelques peintures sans valeur de sa collection. Sachant qu’aux yeux de Hitler la collection nationale du Louvre était intouchable, je pus assurer à l’intermédiaire français qu’il n’avait pas à céder à cette pression, et qu’en cas de besoin il pouvait s’adresser à moi ; Göring n’insista pas. Un jour, en revanche, à Karinhall, il me montra sans gêne aucune le célèbre autel de Sterzing dont Mussolini lui avait fait cadeau après l’accord sur le Tyrol du Sud intervenu en hiver 1940. Hitler lui-même s’indigna à plusieurs reprises des pratiques mises en œuvre par son « second » pour collectionner des objets d’art de valeur, mais il n’osa pas lui en demander raison.
Vers la fin de la guerre, Göring fit une exception et nous invita, mon ami Breker et moi-même, à déjeuner à Karinhall. Le repas ne fut pas très copieux ; je fus seulement un peu surpris qu’à la fin du repas on nous servît un cognac ordinaire, tandis que le maître d’hôtel de Göring lui versait, avec une certaine solennité, un cognac d’une vieille bouteille couverte de poussière : « Celle-ci je me la réserve », déclara-t-il sans vergogne à ses invités, racontant complaisamment dans quel château français cette précieuse bouteille avait été découverte et confisquée. Ensuite, très détendu, il nous montra les trésors qu’il avait mis en sûreté dans les caves de Karinhall. Parmi eux se trouvaient des antiquités prises au musée de Naples avant l’évacuation de la ville en 1943. Affichant le même orgueil de propriétaire, il fit en même temps ouvrir des armoires, pour nous permettre de jeter un coup d’œil sur son butin de savons et de parfums français, qui devaient suffire pour de longues années. Pour terminer la revue de ses trésors, il fit apporter sa collection de diamants et de pierres précieuses, dont la valeur s’élevait de toute évidence à plusieurs centaines de milliers de marks.
Hitler cessa d’acheter des tableaux après qu’il eut donné au directeur de la galerie de Dresde, le D r Hans Posse, pouvoir de constituer la collection de tableaux de Linz. Jusque-là Hitler avait lui-même choisi les objets d’art sur les catalogues des ventes aux enchères. Mais il fut parfois victime de son principe consistant à désigner chaque fois deux ou trois hommes de confiance qui entrent en concurrence les uns avec les autres. Car il lui était arrivé d’ordonner à la fois à son photographe Hoffmann et à l’un de ses marchands de tableaux de pousser les enchères sans limite de prix. Ainsi les acheteurs de Hitler surenchérissaient encore l’un sur l’autre
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