Au Coeur Du Troisième Reich
le Plan de quatre ans de Göring, il était commissaire général à la construction ; enfin il avait créé l’organisation Todt, chargée de construire les fortifications et les abris de sous-marins du mur de l’Atlantique, ainsi que les routes des territoires occupés, depuis le nord de la Norvège jusqu’au sud de la France, ainsi qu’en Russie.
Au cours des dernières années, Todt avait donc réuni entre ses mains les plus hautes responsabilités techniques. Il avait édifié un système qui était encore divisé en plusieurs services, mais préfigurait déjà le futur ministère de la Technique, d’autant que, dans l’organisation du parti, s’est lui qui dirigeait l’office central de la technique et qui était à la tête de l’organisation centrale groupant toutes les associations et toutes les fédérations du secteur technique.
Je me rendis compte dès ce moment que j’allais devoir prendre en main une part importante des très vastes attributions du D r Todt. En effet, dès le printemps 1939, un jour qu’il était allé inspecter les travaux du mur de l’Atlantique, Hitler m’avait dit qu’il comptait me confier la construction, au cas où il arriverait quelque chose à Todt. Plus tard, durant l’été 1940, Hitler me convoqua dans son bureau de la Chancellerie du Reich pour un entretien officiel, et m’apprit que Todt était surchargé de travail. En conséquence, il avait décidé de me confiertoute la construction, y compris les travaux du mur de l’Atlantique. J’avais alors réussi à le convaincre qu’il était préférable de laisser la construction et l’armement sous la responsabilité d’une seule personne, car les deux choses étaient étroitement liées. Hitler n’était pas revenu sur ce sujet et moi-même je n’en avais parlé à personne. Cette proposition aurait pu non seulement froisser le D r Todt, mais aussi porter atteinte à son prestige 4 .
Je m’attendais donc à une proposition de cet ordre, lorsque Hitler me fit appeler, comme toujours assez tard, à environ une heure de l’après-midi. J’étais le premier à être convoqué. A la mine que faisait Schaub, le premier aide de camp, je vis tout de suite que l’heure était grave. Contrairement au soir précédent, c’est officiellement, en qualité de Führer du Reich, que Hitler me reçut. Debout, l’air austère et protocolaire, il écouta mes paroles de condoléances, répondit en quelques mots, puis, sans autres commentaires, déclara : « Monsieur Speer, je vous nomme ministre et successeur du D r Todt, vous le remplacerez dans toutes ses fonctions. » Je fus frappé de stupeur. ! Déjà il s’apprêtait à me congédier et me tendait la main. Toutefois, croyant qu’il avait mal précisé sa pensée, je répondis que je ferais tout mon possible pour remplacer le D r Todt dans sa charge de responsable de la construction : « Non, dans toutes ses fonctions, également comme ministre de l’Armement. – Mais je n’entends rien à… » voulus-je objecter. Hitler me coupa la parole : « Je vous fais confiance et je suis persuadé que vous réussirez, d’ailleurs je n’ai personne d’autre ! Prenez contact immédiatement avec le ministère et mettez-vous au travail ! – Dans ce cas, mon Führer, je ne puis accepter que si vous m’en donnez l’ordre, car je ne peux pas vous garantir que je serai à la hauteur de cette tâche. » L’ordre exprès me fut notifié en quelques mots brefs et j’acquiesçai en silence.
Sans ajouter une parole qui eût un caractère plus personnel, comme il l’avait toujours fait avec moi, Hitler se remit à son travail et je pris congé : le style de nos relations avait soudain changé, je venais d’en faire la première expérience. Jusqu’à ce jour Hitler m’avait toujours témoigné, à moi son architecte, une sympathie en quelque sorte confraternelle ; je sentais maintenant qu’une nouvelle étape venait de commencer et que Hitler avait voulu d’emblée mettre entre nous la distance qui convînt à des relations d’ordre professionnel entre lui et un ministre, c’est-à-dire un subordonné.
J’allais quitter la pièce, lorsque Schaub entra : « M. le Reichsmarschall est là, mon Führer, il désire vous parler de toute urgence, bien qu’il n’ait pas rendez-vous. » Hitler parut ennuyé et dit à contrecœur : « Faites-le entrer », et se tournant vers moi : « Restez encore un moment. » Göring entra d’un
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