Au Coeur Du Troisième Reich
air décidé, prononça quelques paroles de condoléances, puis d’un ton véhément : « La meilleure solution, dit-il, est que je reprenne les attributions que le D r Todt avait dans le Plan de quatre ans. Cela éviterait les incidents et les difficultés que son attitude envers moi a suscités dans le passé. »
Göring avait probablement voyagé avec son train spécial pour venir de son terrain de chasse de Rominten, situé à une centaine de kilomètres du quartier général de Hitler. L’accident s’étant produit à neuf heures et demie, il n’avait pas dû perdre un instant.
« J’ai déjà nommé le successeur de Todt, déclara Hitler sans se préoccuper de la proposition de Göring. M. le ministre Speer, ici présent, exerce à partir de maintenant toutes ; les fonctions du D r Todt. » Ce fut dit sur un ton dont la fermeté excluait toute réplique. Göring demeura pantois, consterné. Quelques secondes après il s’était ressaisi mais, vexé et échaudé, il n’insista pas. « Vous ne verrez pas d’inconvénients, mon Führer, reprit-il, à ce que je n’assiste pas aux obsèques de Todt ? Vous n’ignorez pas les ennuis que j’ai eus avec lui. Je ne peux absolument pas venir à cette cérémonie. » Je ne sais plus très bien quelle fut la réponse de Hitler, car ce premier entretien officiel de ma carrière de ministre m’avait, cela se comprend, laissé sans voix. Pourtant je me souviens que Göring finit par accepter d’assister aux obsèques, afin que le différend qui l’avait opposé à Todt ne fût pas ébruité. Dans ce régime qui attachait une telle importance au respect des formes et des apparences, l’absence du deuxième personnage de l’État à la cérémonie officielle donnée en l’honneur d’un ministre décédé aurait été remarquée et aurait paru étrange.
Il ne fait aucun doute qu’en cette occurrence Göring avait immédiatement tenté de prendre Hitler de vitesse ; celui-ci avait dû s’en douter, comme je l’ai tout de suite supposé ; c’est pourquoi il avait procédé, sans attendre, à ma nomination.
Pour le D r Todt, la seule possibilité de mener à bien sa tâche de ministre chargé de l’Armement était de donner directement ses ordres à l’industrie ; Göring en revanche, qui était le directeur du Plan de quatre ans, se considérait comme responsable de l’ensemble de l’économie de guerre. C’est pourquoi lui et tout son appareil étaient opposés à ce que Todt agisse de sa propre autorité. En janvier 1942, environ une quinzaine de jours avant sa mort, Todt avait assisté à une réunion sur l’économie de guerre, et il avait eu, au cours des débats, une altercation si violente avec Göring qu’il avait déclaré l’après-midi à Funk, qu’il ne pouvait continuer à participer à ces réunions. Todt portait son uniforme de général de la Luftwaffe, ce qui en de telles occasions constituait pour lui un handicap, car dans la hiérarchie militaire il était, malgré son rang de ministre, l’inférieur de Göring.
A la suite de cette brève entrevue, une chose me paraissait claire : Göring ne serait pas mon allié, mais au cas où des difficultés surgiraient entre lui et moi, Hitler semblait prêt à m’accorder son soutien.
Après le décès de Todt, Hitler commença par afficher l’attitude calme et stoïque de l’homme qui, dans son travail, doit compter avec ce genre d’incidents. Les premiers temps, sans dire sur quels indices il se fondait, ilémit l’hypothèse que, dans cet accident, il s’était passé des choses anormales et suspectes ; il n’était pas impossible, selon lui, que ce fût un coup monté par les services secrets. Mais bientôt son attitude changea et, lorsqu’on abordait ce sujet en sa présence, Hitler montrait des signes d’agacement, souvent même d’exaspération ; il lui arrivait alors de déclarer brutalement : « Je ne veux plus entendre parler de cela, et je vous interdis de vous en préoccuper plus longtemps » ; parfois il ajoutait : « Vous le savez, la perte de cet homme me touche trop, aujourd’hui encore, pour que je veuille en parler. »
Sur l’ordre de Hitler, le ministère de l’Air procéda à une enquête, afin d’établir si l’accident pouvait être imputé à un acte de sabotage. Les recherches révélèrent qu’une flamme avait jailli de l’avion et que l’appareil avait explosé à 20 mètres au-dessus du sol. Pourtant, le rapport
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