Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
Vom Netzwerk:
séjour. J’attendis en compagnie du général Gercke, chef du département des transports de l’état-major général, et du commandant des troupes de chemins de fer, à qui je relatai les difficultés que nous rencontrions en Ukraine. Le soir, Hitler prit part au dîner, auquel assistaient de nombreux convives, puis il poursuivit son entretien avec Todt. Il était fort tard lorsque ce dernier, tendu et harassé, sortit de chez Hitler, après une discussion longue et apparemment difficile. Il paraissait découragé. Je restai quelques instants avec lui, pendant qu’il buvait sans mot dire un verre de vin, mais je m’abstins de lui demander pourquoi il était si sombre. Dans le cours de la conversation, qui traînait quelque peu, j’appris incidemment que Todt avait l’intention de repartir le lendemain matin en avion pour Berlin et qu’il restait une place libre dans son appareil. Il était tout disposé à m’emmener, et pour ma part je m’estimai heureux de pouvoir ainsi éviter un long voyage en chemin de fer. Nous tombâmes d’accord pour partir de bonne heure, et le D r  Todt me quitta, car il voulait essayer de dormir un peu. Un aide de camp vint me chercher de la part de Hitler. Il était environ une heure du matin.
    A cette heure-là, il nous était fréquemment arrivé, à Berlin, d’être encore penchés sur nos projets. Hitler me parut aussi épuisé et morose que Todt. Le mobilier de la pièce qu’il occupait était tout à fait élémentaire : il avait même renoncé au confort d’un fauteuil rembourré. La conversation s’engagea sur les travaux projetés à Berlin et à Nuremberg et Hitler se rasséréna et s’anima visiblement. Son teint pâle retrouva des couleurs. Finalement il voulut connaître les impressions que j’avais recueillies au cours de mon séjour dans le sud de la Russie ; mon récit éveilla son intérêt, et de temps à autre il me posait des questions qui m’encourageaient à poursuivre. Les difficultés auxquelles nous nous heurtions pour réparer les installations ferroviaires, les tempêtes de neige, le comportement incompréhensible des chars russes, les soirées entre camarades, les chants pleins de tristesse, je n’omis rien de tout cela. Lorsque je fis allusion à ces chants, il dressa l’oreille et s’enquit de ce qu’ils disaient. J’en avais conservé le texte, je le sortis de ma poche et le lui tendis : il le lut sans dire un mot. Pour moi, ces chants traduisaient de façon bien compréhensible un découragement imputable à une situation déprimante. Hitler, lui, fut d’emblée convaincu qu’il s’agissait d’une action subversive menée par quelque adversaire. Cet adversaire, il crut l’avoir dépisté grâce à mon récit. Et comme je l’ai appris après la guerre, il donna des ordres pour qu’un tribunal militaire engage une procédure contre ceux qui avaient fait imprimer ces chants.
    Cette anecdote illustre de manière caractéristique l’éternelle méfiance de Hitler. Obsédé par la crainte de ne pas savoir la vérité, il croyait pouvoir se fier à des indices isolés et en tirer des conclusions importantes. Aussi était-il toujours enclin à puiser ses informations auprès de personnes subalternes, même quand celles-ci n’étaient pas en mesure de dominer les problèmes. Cette méfiance, parfois justifiée, était véritablement une composante de sa vie, et elle pouvait le hanter dans les circonstances les plus insignifiantes. Il est hors de doute que cela explique aussi son isolement, son ignorance de ce qui se passait au front et de l’état d’esprit qui y régnait ; en effet son entourage faisait tout pour écarter les visiteurs qui apportaient à Hitler des informations par une voie non réglementaire.
    Je pris congé de Hitler à trois heures du matin, en l’informant que je rentrais à Berlin. L’avion du D r  Todt devait décoller cinq heures plus tard  2  , mais je fis savoir que je ne partirais pas avec lui. J’étais en effet trop fatigué et je voulais d’abord m’accorder une bonne nuit de repos. Arrivé dans la petite chambre où je logeais, je songeai à l’impression que j’avais faite sur Hitler, comme l’aurait fait, je suppose, toute personne de son entourage qui aurait eu avec lui un entretien de deux heures. Je n’étais pas mécontent, car j’avais retrouvé foi en l’avenir : les édifices dont nous avions conçu les plans ensemble, et dont la réalisation me semblait souvent

Weitere Kostenlose Bücher