Au Coeur Du Troisième Reich
visite que je lui faisais en tant que ministre. D’un ton cordial, il évoqua les bonnes relations que nous avions eues quand j’avais travaillé pour lui comme architecte. Il espérait que cela continuerait. Quand il le voulait, Göring savait conquérir les gens à force d’amabilité, même si cette amabilité n’était pas exempte d’une certaine condescendance. Mais ensuite il formula ses exigences. Avec mon prédécesseur il avait passé un accord écrit. Il avait fait préparer pour moi le même document, et allait me le faire parvenir pour que je le signe. Cette pièce stipulait que je devais m’acquitter de ma mission en faveur de l’armée de terre sans intervenir dans les problèmes du Plan de quatre ans. En guise de conclusion, il me déclara de façon sibylline que j’en apprendrais davantage au cours de la conférence avec Milch. Je ne répondis rien et je mis fin à notre entretien sans me départir du ton cordial que nous avions adopté. Mais comme le Plan de quatre ans englobait toute l’économie nationale, avec l’arrangement prévu par Göring, j’aurais eu les mains liées et j’aurais été incapable d’agir.
J’eus le pressentiment que cette réunion me réservait une surprise désagréable. Comme je ne sentais pas ma position encore très sûre, je fis part de mes appréhensions à Hitler, qui se trouvait encore à Berlin. Étant donné l’impression que Göring n’avait pu manquer de faire sur lui à l’occasion de ma nomination, je pouvais espérer qu’il serait compréhensif. « C’est bon, fit-il, si l’on manigance quoi que ce soit contre vous, ou si on vous fait des difficultés, vous n’aurez qu’à suspendre la séance et inviter les participants à venir dans la salle du conseil des ministres. Je dirai à ces messieurs ce qu’il convient. »
La salle du conseil passait pour être un « lieu sacré », y être reçu devait faire une forte impression. Et la perspective de voir Hitler adresser la parole à ces hommes avec lesquels j’aurais désormais à coopérer signifiait pour moi commencer mes fonctions sous les meilleurs auspices.
La grande salle de conférences du ministère de l’Air était comble ; trente personnes assistaient à la réunion ; il y avait là les hommes les plus en vue de l’industrie, parmi eux le directeur général Albert Vögler et Wilhelm Zangen, le président de la fédération de l’industrie allemande du Reich ; étaient présents également le général Ernst Fromm, chef de l’armée de l’intérieur, accompagné de son subordonné le général Leeb, directeur de l’armement et du matériel de l’armée de terre, l’amiral Witzell, directeur de l’armement de la marine, le généralThomas, chef du bureau chargé de l’armement et des questions économiques à l’O.K.W., Walter Funk, le ministre de l’Économie du Reich, plusieurs commissaires généraux du Plan de quatre ans et d’autres collaborateurs important de Göring. Milch, représentant le maître des lieux, présidait la séance. Après avoir invité Funk à siéger à sa droite, et moi-même à sa gauche, il ouvrit les débats par un bref exposé des difficultés que connaissait la production d’armements du fait des rivalités qui opposaient les trois armes de la Wehrmacht. Vögler, des Aciéries réunies, dans une analyse extrêmement pénétrante, démontra à quel point la production pâtissait de l’alternance des ordres et des contrordres, des désaccords sur l’urgence des diverses fabrications et des changements incessants dans la définition des priorités. Il existait encore, selon lui, des ressources inexploitées et qui, du fait de tous ces tiraillements, ne pouvaient se manifester ; il était grand temps de mettre de l’ordre dans cette situation, et de définir clairement les responsabilités. Pour cela, il fallait quelqu’un qui ait pouvoir de trancher ces problèmes. Quant à savoir qui ce devait être, ce n’était pas l’affaire des industriels.
Prirent ensuite la parole le général Fromm pour l’armée de terre, et l’amiral Witzell au nom de la marine : à quelques réserves près, ils se rallièrent aux conclusions de Vögler. L’avis des autres participants allait dans le même sens, de tout cela ressortait le vœu que soient confiés à l’un des membres de notre assemblée les pleins pouvoirs. Quant à moi, après avoir travaillé pour l’armement de l’aviation, j’étais également convaincu de l’urgence
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