Au Coeur Du Troisième Reich
à la conférence se tenaient debout autour de cette table. Il y avait là les aides de camp, les officiers d’état-major de l’O.K.W., ceux de l’état-major de l’armée de terre, les officiers de liaison représentant la Luftwaffe, la marine, la Waffen-SS et Himmler. En général il s’agissait d’hommes sympathiques, assez jeunes, qui avaient pour la plupart le grade de colonel ou de commandant. Au milieu d’eux, circulant sans contrainte, Keitel, Jodl et Zeitzler. Parfois il y avait aussi Göring. Hitler, voulant lui témoigner par là des égards particuliers et peut-être également en raison de son embompoint, lui faisait apporter un tabouret rembourré, sur lequel le Reichsmarschall s’asseyait près de Hitler.
Des lampes de bureau, au bout d’un long support, éclairaient les cartes. On commençait par passer en revue le théâtre d’opérations est. Trois ou quatre cartes d’état-major général collées ensemble, dont chacune mesurait à peu près 2,50 m sur 1,50 m, étaient successivement étalées devant Hitler sur la table. On commençait par le nord. Sur les cartes étaient notées toutes les opérations qui avaient eu lieu le jour précédent, le moindre bond enavant, la moindre mission de reconnaissance et presque toutes ces péripéties étaient commentées par le chef de l’état-major général. Les cartes étaient présentées l’une après l’autre, de sorte que Hitler avait une vue d’ensemble de chaque secteur. On s’attardait assez longtemps sur les opérations d’une plus grande envergure, et Hitler notait alors scrupuleusement toute modification de la situation par rapport au jour précédent. La seule préparation de cet exposé, qui, lorsqu’il s’agissait des combats menés à l’est, durait une à deux heures, voire souvent beaucoup plus longtemps dans le cas d’opérations d’envergure était une perte de temps considérable pour le chef de l’état-major général et ses officiers, qui avaient d’autres occupations plus importantes. Moi qui étais profane en la matière, j’étais étonné de voir comment Hitler, durant l’exposé de la situation, prenait des dispositions, déplaçait des divisions et réglait des points de détail.
A cette occasion, du moins en 1942, il accueillait encore les revers graves avec calme, peut-être aussi avec un commencement d’indifférence. En tout cas il ne manifestait extérieurement aucune réaction d’affolement, s’efforçant de donner l’image du stratège supérieur que rien ne peut ébranler. L’expérience qu’il avait acquise dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, soulignait-il fréquemment, lui permettait de comprendre bon nombre de problèmes militaires particuliers beaucoup mieux que tous ses conseillers militaires sortis de l’École d’état-major. Dans certains domaines, cela était sans nul doute exact. Mais beaucoup d’officiers étaient d’avis qu’en raison précisément de cette « perspective de tranchée », il avait une conception erronée du commandement. Pour cela sa connaissance des détails, en l’occurrence celle d’un caporal, constituait plutôt un inconvénient. Avec son laconisme coutumier, le général Fromm affirmait qu’un civil aurait peut-être fait un meilleur général en chef qu’un caporal, qui d’ailleurs n’avait jamais combattu à l’est et n’était donc pas à même de comprendre les problèmes particuliers que cela posait.
Le travail auquel Hitler se livrait était un « raccommodage de savetier », du petit bricolage. Un autre inconvénient, auquel il ne pouvait remédier, était que les cartes ne renseignent qu’imparfaitement sur la configuration du terrain. Au début de l’été 1942, ce fut lui qui décida personnellement d’envoyer au combat les six premiers chars « Tigres » opérationnels ; comme chaque fois qu’une nouvelle arme faisait son apparition, il en attendait des résultats sensationnels. Se laissant emporter par son imagination, il voyait déjà les canons antichars soviétiques de 75, qui perforaient l’avant de notre char IV même à des distances assez grandes, s’acharner vainement à tirer coup après coup sur les « Tigres » qui finiraient pas dépasser les nids de canons. L’état-major attira son attention sur le fait que le secteur de terrain qu’il avait choisi rendait impossible le déploiement tactique des chars, car des deux côtés de la route le sous-sol était marécageux. Hitler
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