Au Coeur Du Troisième Reich
sentait la population fermement déterminée à consentir les plus extrêmes sacrifices, d’autre part il était absolument indispensable d’opérer des restrictions draconiennes si l’on voulait rétablir la confiance dans les dirigeants du pays.
La nécessité de consentir d’importants sacrifices nous était également dictée par notre politique de l’armement. Hitler avait réclamé un nouvel accroissement de la production ; en outre, pour compenser les énormes pertes subies sur le front est, il fallut mobiliser d’un seul coup 800 000 ouvriers spécialisés d’âge jeune 1 . Et pourtant toute réduction de la main-d’œuvre allemande ne pouvait manquer d’accentuer les difficultés déjà considérables qui existaient dans les usines.
Il s’était avéré par ailleurs que, dans les villes durement touchées par les attaques aériennes, l’ordre continuait à régner. Même les rentrées de l’impôt diminuèrent à peine lorsque les perceptions subirent des dégâts et que les dossiers furent détruits ! Reprenant l’idée qui était à la base du système de l’autonomie de l’industrie, j’élaborai une proposition visant à remplacer notre politique de défiance vis-à-vis de la population par une politique de confiance, ce qui aurait permis de réduire à la fois les effectifs de l’inspection et ceux de l’administration du fisc, qui employaient à elles seules presque trois millions de personnes. Plusieurs projets furent discutés : les uns consistaient à inviter les contribuables soit à déterminer eux-mêmes la base de leurs impôts, soit à renoncer à la nouvelle assiette de l’impôt ; les autres à instituer un taux fixe pour l’impôt sur les salaires. A côté des milliards que la guerre engloutissait tous les mois, raisonnions-nous avec Goebbels, les quelques centaines de millions que la malhonnêteté de quelques fraudeurs feraient peut-être perdre à l’État ne tireraient guère à conséquence.
L’émotion fut encore plus vive lorsque je réclamai que la durée de travail de tous les fonctionnaires soit alignée sur celle des travailleurs de l’armement. D’un point de vue purement arithmétique, environ 200 000 fonctionnaires de l’administration auraient pu être ainsi mis à la disposition de l’armement. Je voulais en outre, grâce à un abaissement drastique du niveau de vie des classes privilégiées, récupérer encore quelques centaines de milliers de travailleurs. Au cours d’une séance de l’Office central de planification qui se tint à cette époque,j’énonçai très brutalement quelles seraient les conséquences des solutions radicales que je proposais : « Elles signifient, pour parler crûment, que si cette guerre dure longtemps, nous allons être réduits à la condition de prolétaires 2 . » Aujourd’hui, je me félicite à l’idée que je ne pus pas faire prévaloir mes projets ; dans le cas contraire, l’Allemagne aurait dû en effet affronter les difficultés considérables des premiers mois de l’après-guerre avec une économie affaiblie et une administration désorganisée. Mais je suis par ailleurs convaincu que l’Angleterre, par exemple, aux prises avec une situation identique, aurait mis systématiquement ces principes en application.
Notre proposition visant à simplifier l’administration, à restreindre la consommation et à limiter les activités culturelles reçut de la part de Hitler une approbation mitigée. Je suggérai de charger Goebbels de mener cette action, mais la vigilance de Bormann fit avorter cette proposition, car il redoutait de voir grandir le pouvoir d’un rival ambitieux. Au lieu de Goebbels c’est le D r Lammers, l’allié de Bormann dans le triumvirat, qui fut désigné : c’était un fonctionnaire sans imagination ni initiative, qui était horrifié à l’idée qu’on pût mépriser la bureaucratie, à ses yeux indispensable.
C’est donc Lammers qui présida, en lieu et place de Hitler, les réunions du conseil des ministres qui reprirent pour la première fois en janvier 1943. Les membres du cabinet n’assistaient pas tous aux réunions ; n’étaient convoqués que ceux qui étaient concernés par les sujets à l’ordre du jour. Mais ces séances se tenaient dans la salle du conseil des ministres du Reich, ce qui montre tout le pouvoir que le triumvirat avait acquis ou s’imaginait posséder.
Les séances furent fort mouvementées : Goebbels et Funk
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