Au Coeur Du Troisième Reich
qui créaient un véritable imbroglio. Hitler se réservait simplement le pouvoir de décider en dernier ressort. A l’avenir, quand une proposition émanerait de plusieurs personnes dont les avis étaient partagés, la question serait préalablement « débroussaillée » par le comité des trois. Hitler attendait d’eux une information objective et un travail impartial.
Les trois hommes s’attribuèrent chacun une sphère d’activité. Toutes les dispositions concernant les Forces armées devaient être du ressort de Keitel, mais ses prétentions furent mises en échec dès le début, car les commandants en chef de la Luftwaffe et de la marine refusèrent énergiquement de se soumettre à cette tutelle. Lammers, lui, devait s’occuper de tous les changements intervenant dans les attributions des ministères, de toutes les affaires de droit public et de tous les problèmes administratifs. Mais il dut de plus en plus laisser la responsabilité de ces décisions à Bormann, qui ne lui donnait pas l’occasion de voir Hitler assez souvent. Quant à Bormann, il s’était réservé le soin de centraliser toutes les questions de politique intérieure. Or non seulement son intelligence n’était pas à la hauteur de cette tâche, mais en outre il était trop coupé du monde extérieur. Depuis plus de huit ans, il avait vécu sans interruption dans l’ombre de Hitler, jamais il ne s’était risqué à partir en déplacement ou à prendre des vacances, il était dans la crainte perpétuelle de voir son influence décliner. Lui qui avait été l’adjoint de Hess savait le danger que représentent les adjoints ambitieux : en effet, dès qu’on lui présentait un collaborateur, Hitler inclinait toujours à lui confier immédiatement des responsabilités et à le traiter comme un membre de son état-major. Cette façon d’agir ne correspondait pas seulement à sa tendance à diviser le pouvoir où qu’il se présentât ; il aimait aussi voir de nouveaux visages, mettre à l’épreuve de nouvelles personnes. Pour se préserver d’une telle concurrence à l’intérieur de leur propre domaine, bien des ministres se gardèrent prudemment de s’adjoindre un suppléant qui fût intelligent et énergique.
Par leur volonté d’encadrer Hitler, de filtrer les informations qui lui étaient destinées et de contrôler son pouvoir, les membres de ce triumvirat auraient pu conduire à l’abandon du système de gouvernement monocratique de Hitler, s’ils avaient été capables d’initiatives personnelles, doués d’imagination et du sens des responsabilités. Mais, dressés à agir toujours au nom de Hitler, ils étaient soumis comme des esclaves à ses volontés. Bientôt, d’ailleurs, Hitler cessa de respecter cette procédure qui le rebutait et qui de plus était incompatible avec son tempérament. Mais il est facile de comprendre que ce petit clan portait ombrage à ceux qui n’en faisaient pas partie et affaiblissait leur position.
En fait, Bormann fut le seul à acquérir une position clé, pouvant représenter un danger pour les hauts fonctionnaires. C’était à Bormann, aidé en cela par le fait que Hitler n’aimait pas être dérangé, de décider, dans le domaine des affaires civiles, à qui serait accordée une audience avec Hitler ou, plus exactement, c’est lui qui décidait qui n’en obtiendrait pas. Il était rare qu’un ministre, un Reichsleiter ou un Gauleiter pût avoir accès auprès de Hitler, tous devaient demander à Bormann de soumettre leurs problèmes au Führer. Bormann travaillait très vite. La plupart du temps le ministre concerné recevait quelques jours après une réponse écrite qu’il aurait dû sans cela attendre pendant des mois. Mon cas faisait exception. Mes attributions étant de caractère militaire, j’avais accès auprès de Hitler aussi souvent que je le désirais. C’étaient les aides de camp qui fixaient la date de mes audiences.
Parfois, après mes conférences avec Hitler, un aide de camp annonçait brièvement et sans cérémonie l’arrivée de Bormann, qui entrait avec ses dossiers dans la salle où nous avions conféré. En quelques phrases prononcées d’un ton monocorde et apparemment neutre, il exposait l’objet des mémoires qui lui avaient été envoyés, puis il proposait lui-même la solution. Généralement Hitler se bornait à acquiescer d’un bref « d’accord ». Bormann s’autorisait alors de ce simple mot pour rédiger des
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